Communiqués

Après le Tsunami : le monde a besoin d’un nouvel ordre économique

jeudi 30 décembre 2004

par Helga Zepp-LaRouche, présidente internationale de l’Institut Schiller

Une tâche gigantesque attend les secours en Asie du Sud-Est : enterrer plus d’une centaine de milliers de morts afin d’empêcher l’éclatement d’épidémies qui risquent de multiplier le nombre de victimes, approvisionner quelque trois millions de sinistrés, reconstruire 60 000 villages, rétablir l’infrastructure et remettre les terres agricoles en état de produire. Rien que pour rétablir le statu quo ante, il faudra plus de dix milliards d’euros. L’initiative du chancelier Schröder et du président Chirac en faveur d’un moratoire sur la dette des pays qui ont le plus souffert va dans la bonne direction.

Cependant, une mesure bien plus fondamentale est nécessaire pour empêcher que se répète une catastrophe d’une telle ampleur. Il faut distinguer les aspects non maîtrisables du phénomène et les effets dévastateurs de la désastreuse politique économique de ces dernières décennies. Avant le terrible raz-de-marée de cette année, le tsunami le plus dramatique semble avoir été celui qui fut déclenché en 1628 avant notre ère par l’éruption du volcan Théra, sur l’actuelle île Santorin, qui anéantit la culture minoenne. L’effondrement du Krakatoa, en 1883, eut également de terribles conséquences. On doit donc supposer que l’éclatement d’un nouveau tsunami d’une telle ampleur est du domaine du possible. La mise en place d’un système d’alarme immédiate pour les régions menacées serait relativement simple et même pas très coûteuse. (Il est vrai aussi qu’un coup de téléphone aux gouvernements en question de la part du département d’Etat américain, des responsables japonais ou de ceux d’Hawaï, qui ont été rapidement conscients du danger, n’aurait pas coûté cher non plus.) Qu’est-ce qui a donc empêché, par exemple, le gouvernement américain de communiquer l’information dont ils disposaient à ces pays ? Le monde exigera une réponse à cette question.

Mais là où les grandes institutions internationales sont responsables et coupables, c’est d’avoir scandaleusement négligé toute politique réelle de développement au cours de ces dernières décennies. Le boom du tourisme dans des pays comme la Thaïlande, le Sri Lanka ou les Seychelles, si profitable aux grandes chaînes hôtelières et aux géants du tourisme, ne peut cacher le fait que les conditions de vie des « indigènes » ne se sont pas vraiment améliorées et que les pays en question n’ont pas eu de véritable développement économique. Au contraire, les « paradis des vacanciers » ont été un piège mortel tant pour ces « indigènes » exploités que pour les touristes.

Dans le cadre de la globalisation actuelle, un tiers de l’humanité est sous-alimentée en permanence, un milliard d’enfants vivent dans la pauvreté, tous les jours quelque 50 000 personnes meurent de faim et de maladies évitables, et l’existence de continents entiers se trouve menacée. C’est la preuve accablante de l’échec absolu de l’ordre mondial actuel. Que les gouvernements des pays du G-7 s’inclinent devant le diktat d’une oligarchie financière internationale qui a tout à gagner à la globalisation et que la majorité de la population de nos pays affiche une incroyable indifférence morale envers la pauvreté de quatre milliards d’êtres humains ne change rien au fait que cet ordre mondial est un terrible échec.

L’ampleur du déclin moral actuel est plus claire si l’on compare l’attitude dominante dans les années 50 et 60, par exemple, à celle d’aujourd’hui. A l’époque, on pensait généralement que le sous-développement injuste des pays du tiers monde, dû à la longue politique coloniale, devait être surmonté le plus rapidement possible grâce à des programmes de développement. Aux Nations unies, on parlait de « décennies de développement » dont le but était de réaliser une amélioration du niveau et de l’espérance de vie. Pour le pape Paul VI, le sous-développement était si inadmissible que dans son encyclique Populorum Progressio de 1968, il lança un appel pressant à la population mondiale, fustigeant la pauvreté infligée aux peuples en invoquant la justice divine. En 1976, à Colombo, les pays non-alignés appelèrent à une annulation des dettes illégitimes et à un « nouvel ordre économique mondial plus juste ».

Cependant, depuis la fin des années 60, les pays du G-7 ont subi un changement de paradigmes. La société de production s’y est progressivement transformée en société de consommation ; on s’est éloigné de la production de biens réels pour privilégier la spéculation et l’économie purement monétaire, abandonnant la notion d’intérêt général au profit de la recherche de plaisirs égoïstes et d’un déchaînement d’ambitions. La mutation des valeurs s’est également traduite par un changement d’attitude vis-à-vis du « tiers monde ». Maintenant, on trouve très bien que tout coûte le moins cher possible là-bas et que le séjour dans un hôtel cinq étoiles avec vue sur la plage devienne abordable grâce aux salaires de misère accordés aux « indigènes ».

Aujourd’hui, la réalité vient d’infliger un grand choc à ce monde illusoire de consommation et de plaisirs immédiats. Avec son cynisme habituel, le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 29 décembre demandait ce qu’un pêcheur indien et un touriste allemand ont de commun : normalement, rien du tout, mais désormais ils partagent une même fosse commune... Si l’on cherche à comprendre le pourquoi de cette terrible catastrophe en Asie du sud et du sud-est, on pourrait seulement y voir, au-delà de la cause naturelle, un signe du ciel indiquant que l’homme ne peut violer trop longtemps l’ordre de la création en traitant la majorité de l’humanité comme des individus de seconde classe, sans provoquer les foudres de Némésis.

Le système de globalisation se trouve actuellement dans la phase finale de son effondrement systémique. La chute du dollar n’en est qu’un symptôme. Lorsque les « experts » parlent d’un « Hiroshima du système financier », d’Armaggeddon, d’avalanche à venir, tout le monde doit savoir ce qui l’attend. Le grand krach de 2005 est arrivé.

Mais il y a une solution, celle de la justice par le développement mutuel :

  1. Les pays du G-7, avec la Russie, la Chine, l’Inde et d’autres pays du monde, doivent procéder à une réorganisation complète du système financier mondial actuel, qui est irréversiblement en faillite, et adopter un nouveau système de type Bretton Woods, dans la tradition de Franklin D. Roosevelt.
  2. Les dettes non seulement de l’Indonésie et de la Somalie, mais de tout le secteur en développement, doivent être annulées, à plus forte raison parce qu’elles ne pourront jamais être remboursées.
  3. La spéculation sur devises et sur produits dérivés, qui s’élèverait annuellement,selon la Banque des règlements internationaux, à la somme astronomique de 2 millions de milliards de dollars (soit 2 000 000 000 000 000), doit être éliminée et déclarée illégale dans le cadre d’accords entre gouvernements. On doit rétablir des taux de change fixes pour arrêter net la spéculation contre les monnaies et la richesse des nations.
  4. La création de nouveaux crédits destinés aux investissements productifs doit être soustraite à l’emprise des banques centrales « indépendantes », c’est-à-dire privées, pour être rendue à la seule initiative des gouvernements souverains.
  5. Suivant l’accord sur un nouveau Bretton Woods, les pays du G-7 doivent émettre de nouveaux crédits productifs à hauteur de quelque deux mille milliards de dollars ou d’euros (2 000 000 000 000), afin de créer les conditions du plein emploi productif en construisant un « pont terrestre eurasiatique », c’est-à-dire en intégrant les infrastructures de toute l’Eurasie.
  6. Pour lutter de toute urgence contre le sous-développement dans d’importantes parties d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, le « pont terrestre eurasiatique » jouant un rôle de locomotive de la reconstruction de l’économie mondiale, ce nouvel accord doit aussi prévoir la création d’une « Banque internationale de développement », chargée de financer, à hauteur d’au moins 500 milliards d’euros par an, des projets de développement bien définis.
  7. Lyndon LaRouche et le mouvement politique international qu’il a lancé ont élaboré, depuis le début des années 70, des programmes de développement concrets pour l’Afrique, l’Amérique latine, le bassin du Pacifique, l’Inde, le Proche et Moyen-Orient et l’Eurasie, qui peuvent servir de base concrète pour un nouvel ordre économique mondial juste, ici et maintenant !

C’est seulement si nous développons les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, en y assurant enfin des conditions d’existence dignes d’êtres humains, que nous pourrons minimiser les effets de futures catastrophes naturelles.

Si vous réfléchissez à ces questions, tout à fait déterminantes pour le XXIème siècle, ne pensez pas égoïstement à vous-mêmes ou à « faire la charité » pour soulager votre conscience. Pensez à ce que vous pouvez apporter pour que l’humanité mérite son nom.

Rejoignez notre mouvement pour un nouvel ordre économique mondial juste. Battez-vous ! Faites sauter avec nous le verrou de l’administration Bush-Cheney !