A Kiev, tout le monde ne veut pas d’un conflit nucléaire avec la Russie

lundi 31 janvier 2022

Chronique stratégique du 31 janvier 2021 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Alors que la propagande bat son plein sur « l’agressivité » et les plans d’invasion de la Russie contre l’Ukraine, une certaine opposition se fait entendre au sein même du gouvernement ukrainien où, hormis les néonazis arrivés au pouvoir en 2014, tout le monde ne tient pas à se retrouver aux premières loges d’un conflit nucléaire.

Ecraser la Russie, quitte à envisager le pire

Pas un jour ne passe sans que les médias américains et britanniques (et français) n’affichent les gros titres sur la prétendue invasion imminente de la Russie en Ukraine. Dans son édition du 30 janvier, le Daily Mail rapporte que le gouvernement britannique se prépare à annoncer des mesures visant à « cibler les intérêts stratégiques et financiers de la Russie ».

Ce que nous cherchons à faire, a expliqué dimanche la ministre des Affaires étrangères Liz Truss, c’est d’élargir le champ d’application de ces sanctions afin que toute entreprise présentant un intérêt pour le Kremlin et le régime russe puisse être visée, de sorte que les oligarques de Poutine et les entreprises russes impliqués dans le soutien de l’État russe n’auront nulle part où se cacher.

Quelques jours plus tôt, la Maison Blanche, à travers une tribune publiée le 25 janvier par un « haut fonctionnaire de l’administration », a admis que les sanctions américaines sont destinées à « frapper les ambitions stratégiques de Poutine d’industrialiser son économie ».

L’intention est désormais explicite : il s’agit bien de mettre l’Etat russe à genoux et de stopper l’industrialisation de la Russie. Adolf Hitler avait une ambition similaire vis-à-vis des pays occupant son « espace vital », et il est difficile de ne pas faire la comparaison avec la situation actuelle ; à la différence près qu’aujourd’hui les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie disposent d’un arsenal d’armes nucléaires tel que les 73 millions de victimes de la deuxième Guerre mondiale apparaîtraient comme « une partie de plaisir ».

Et comme nous l’avons rapporté sur ce site, certains responsables américains hauts placés ne cachent plus leur intention d’utiliser des armes nucléaires, à l’image du chef du commandement stratégique américain (STRATCOM), l’amiral Charles Richard, qui a déclaré en février 2021 que la guerre nucléaire n’était plus considérée comme « improbable », mais comme « une possibilité très réelle » en raison de la montée en puissance de la Chine et de la Russie.

Le 25 janvier 2022, le commandement stratégique américain a annoncé le coup d’envoi de « Global Lightning 22 », « un exercice annuel de poste de commandement conçu pour entraîner les forces du ministère de la Défense et évaluer la préparation opérationnelle conjointe dans tous les domaines de mission du US STRATCOM ». Cette année, cet exercise est mené « en coordination avec le commandement indo-pacifique américain ». Le 29 janvier, Newsweek citait Hans M. Kristensen, directeur du Nuclear Information Project pour la Federation of American Scientists, affirmant que l’exercice « comprend la pratique d’opérations dans un environnement nucléaire trans/post-attaque, y compris la reconstitution, la redirection et le ciblage des forces du STRATCOM ». En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement d’envisager une première utilisation du nucléaire par l’un ou l’autre camp, mais également de poursuivre la guerre nucléaire après l’échange initial.

A Kiev, tout le monde n’est pas fou

Et qu’en est-il du gouvernement ukrainien lui-même et de l’armée ukrainienne ? Le 29 janvier, le ministère ukrainien a apporté un démenti à un énième rapport, publié la veille par Reuters et basé sur les témoignages de « responsables américains anonymes », affirmant que la Russie acheminerait des stocks de sang et des équipements médicaux à la frontière avec l’Ukraine et d’autres fournitures médicales, preuve que l’invasion serait « imminente ».

« Tout d’abord, il convient de noter que cette information, faisant référence à des responsables anonymes, n’a été confirmée par aucune source officielle des agences compétentes des pays partenaires, souligne le communiqué du ministère. Le suivi et l’analyse de la situation actuelle autour des frontières ukrainiennes n’enregistrent pas de telles activités. L’échange d’informations entre les services de renseignement et les partenaires étrangers en est la preuve. Ces ‘interventions’ d’information sont un élément de la guerre de l’information et de la guerre psychologique, dont le but est de provoquer la peur et la panique dans notre société. Le Centre d’information opérationnel invite à ne pas diffuser d’informations non vérifiées provenant de sources anonymes et à utiliser des données officielles ».

Déjà le 28 janvier, lors de son intervention devant les députés ukrainiens à la Verkhovna Rada le ministre de la Défense Oleksii Reznikov a jeté un froid en déclarant que

la situation à la frontière ukraino-russe en ce moment n’est pas différente de ce qu’elle était au printemps de l’année dernière. Pour l’instant, il n’y a pas d’actions ou de phénomènes significatifs.

Quelques jours plus tôt le Comité central du Parti socialiste progressiste d’Ukraine (PSPU) dénonçait la tentative de pousser l’Ukraine dans un conflit contre la Russie. Signée par la présidente du PSPU, Natalia Vitrenko, économiste ukrainienne de renom, cette lettre a été adressée aux chefs d’État des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et de la Pologne, ainsi qu’au secrétaire général de l’OTAN, avec copie aux secrétaires généraux des Nations unies, du Conseil de l’Europe et de l’OSCE, ainsi qu’aux présidents de l’Ukraine et de la Russie.

Mme Vitrenko est l’une des rares dirigeantes de l’opposition ukrainienne à avoir eu le courage de dénoncer le coup d’Etat néonazi, orchestré en février 2014 et soutenu par les services anglo-américains, notamment devant le Parlement européen.

Le Comité central du Parti socialiste progressiste d’Ukraine, exprimant sa profonde inquiétude face à la catastrophe socio-économique en Ukraine, considère qu’il est inacceptable et dangereux, tant pour les citoyens ukrainiens que pour l’ensemble de la communauté mondiale, d’utiliser le chantage politique pour inciter l’Ukraine à la guerre avec la Russie, peut-on lire dans la lettre du PSPU. Les pays occidentaux, menés par les États-Unis et l’OTAN, incitent notre pays dans cette direction.

La lettre souligne que 15 000 civils innocents ont déjà été tués dans la « guerre fratricide » déclenchée à l’intérieur de l’Ukraine en 2014 par ceux qui réécrivent l’histoire pour transformer en héros les collaborationnistes de l’Organisation des nationalistes ukrainiens et de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (OUN-UPA) qui avaient soutenu Hitler, et qui adoptent comme politique d’État l’idéologie du nationalisme ukrainien « intégral ».

La paix et la concorde seront établies en Ukraine non pas en livrant des armes, mais par la mise en œuvre des accords de Minsk, la reconnaissance que le nationalisme ‘intégral’ ukrainien est une idéologie criminelle, et la dénazification et la démocratisation de notre pays, conclut la lettre à l’intention des Occidentaux. Les gouvernements de vos pays et de l’Ukraine doivent réaliser que la guerre et l’incitation à la guerre ne sont pas les valeurs principales de la civilisation. Ces valeurs sont la paix, la vie et la santé mentale et physique des personnes.

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