Ambassadeur de Chine en France : la culture et le développement au service de la paix

samedi 23 avril 2022, par Christine Bierre

Connaître les langues et les cultures des autres pays, promouvoir le développement économique, voilà deux facteurs clés pour garantir la paix dans le monde.

Voici un entretien avec M. l’Ambassadeur de la République populaire de Chine, M. Lu Shaye, réalisé le 21 avril au Centre culturel de Chine à Paris, au cours d’une belle rencontre culturelle permettant d’approfondir l’amitié franco-chinoise.

Propos recueillis par Christine Bierre, rédactrice-en-chef de Nouvelle Solidarité, et Odile Mojon, rédactrice du site de l’Institut Schiller France.

La culture et le développement au service de la paix

Organisée au lendemain de la « Journée internationale de la langue chinoise » de l’ONU, cette rencontre fut aussi l’occasion de la remise des prix aux lauréats du Concours de poésie organisé par l’Ambassade de Chine. Les concurrents devaient écrire sur un thème très prisé en Chine, le printemps, mais en utilisant la forme occidentale de trois vers. Sur 210 participants, vingt-sept enfants, adolescents et adultes ont été primés. Les poèmes, écrits en chinois mais traduits en français, étaient consultables sur place. (voir un choix de 3 poèmes primés à la fin de ce texte).

La cérémonie s’ouvrit sur un concert de musique chinoise, suivi d’une intervention de l’ambassadeur Lu Shaye, qui souligna à quel point la connaissance de la langue d’autres pays pouvait rendre plus faciles les relations internationales. Rappelant que la France avait été le premier pays au monde à ouvrir, en 2002, un tel Centre culturel chinois, il se félicita que pas moins de 110 000 élèves étudient actuellement le chinois dans 900 écoles primaires et secondaires françaises.

Version audio de l’entretien :


Transcription :


Christine Bierre : Monsieur l’Ambassadeur, les médias occidentaux critiquent beaucoup la Chine et sa stratégie de « 0 Covid », l’accusant d’être responsable des difficultés de la reprise économique mondiale, mais ils ne disent rien contre les sanctions qui frappent les exportations russes d’énergie, d’engrais et de céréales, dont les répercussions pourraient faire des millions de morts. N’y aurait-il pas là un cas typique de « deux poids deux mesures » ?

Monsieur l’Ambassadeur Lu Shaye : Je remarque qu’ici, on critique beaucoup l’approche anti-covid de la Chine, le 0 covid dynamique. On dit que cette approche a effectivement maîtrisé l’épidémie, mais à quel prix ? L’approche chinoise a bien réussi à maîtriser l’épidémie, à sauver la vie de beaucoup de monde. Si on demande « à quel prix ? », alors nous répondrons que la vie des êtres humains, c’est notre préoccupation principale, prioritaire.

A quel prix ? Peut-être a-t-on sacrifié quelque peu le développement économique, provisoirement, temporairement, mais on a sauvé des vies. Le président Xi Jinping a toujours dit que le Parti communiste chinois, le gouvernement chinois, mettait la vie, la santé du peuple, au centre de notre action.

Parlons du prix d’une autre approche anti-Covid. Je ne sais pas si les centaines de milliers de morts, voire même un million aux Etats-Unis, n’est pas un prix à payer ? Dans d’autres pays, on a choisi une approche de « coexistence avec le virus », mais à quel prix ? Peut-être a-t-on sauvé l’économie, pour le moment, mais on a sacrifié la vie de centaines de milliers, voire d’un million de personnes. C’est un prix beaucoup plus lourd que celui que la Chine a payé pour endiguer la propagation du virus.

Parlons du « deux poids, deux mesures », ça existe un peu partout dans le monde et dans tous les domaines. Et, comme vous l’avez évoqué, les sanctions tous azimuts contre un pays ont des impacts très négatifs sur les peuples des autres pays, surtout des pays pauvres. Ces sanctions ont provoqué une crise énergétique, une crise alimentaire et ont causé une inflation très forte. Bien sûr, en Europe, en France, il y a une forte inflation, mais en Afrique, la hausse des prix est beaucoup plus forte qu’en Europe, qu’en France. Et ces pays n’ont pas beaucoup de moyens, ils n’ont pas les ressources de la France pour y faire face.

Bien sûr, il faut respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale des pays souverains, mais il faut appliquer ce principe à tous les cas de figure. Auparavant, lorsque la guerre contre la Yougoslavie a éclaté, où étaient ces gentilshommes qui parlent aujourd’hui du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale d’un pays souverain ? Quand la guerre contre l’Irak a éclaté, où étaient ces mêmes gentilshommes, qui parlent maintenant du respect du droit international ? Pour nous, il faut appliquer une politique cohérente.

Hier, le Président Xi Jinping a prononcé un discours lors de la conférence annuelle du Forum de Boao, où il a proposé une initiative pour la sécurité mondiale, au nom du gouvernement chinois. Dans cette initiative, il a avancé six engagements : le monde entier doit s’engager à porter le concept de sécurité commune, intégrée, coopérative, durable. Il doit s’engager à observer les principes du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des différents pays, à appliquer la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres et à respecter la voix du développement et du système social choisi en indépendance par chaque peuple.

Je pense que c’est là une très importante initiative avancée par le gouvernement chinois. Cette initiative est une solution pour régler la crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine. Le gouvernement chinois préconise des pourparlers de paix pour mettre fin à la guerre. Malheureusement, on a vu que lorsque les négociations entre la Russie et l’Ukraine allaient aboutir à un accord, certains pays ont jeté de l’huile sur le feu pour saboter ces négociations.

« Je pense que les pays européens doivent agir de concert avec la Chine pour promouvoir les pourparlers de paix, pour promouvoir la solution par la voie pacifique à cette crise qui touche directement l’Europe, et ceci le plus tôt possible. »

Odile Mojon  : Monsieur l’Ambassadeur, par rapport plus spécifiquement à cette journée internationale de la langue chinoise, lorsque les poètes de l’époque Tang célèbrent le printemps, ne devrait-on pas s’inspirer aujourd’hui de leur état d’esprit pour les relations internationales ? Ne serait-ce pas l’occasion d’avoir un printemps inclusif, un printemps « gagnant-gagnant », en quelque sorte ?

Monsieur Lu Shaye : En effet, les échanges et l’inspiration mutuelle entre les cultures sont un élément très important pour améliorer les relations entre les différents pays. Pourquoi y a-t-il tant de confrontations, tant de conflits aujourd’hui ? Un des éléments majeurs est l’incompréhension, le non-respect mutuel. Promouvoir les échanges culturels tels que l’apprentissage d’une langue étrangère est un moyen nécessaire, et très utile, pour que les différents peuples puissent mieux se comprendre et se connaître.

En connaissant la culture, la langue d’un autre pays, on peut mieux en comprendre les intérêts, les souhaits, les soucis même, et il y aura alors une empathie. C’est mon souhait. Il faut mettre de côté les divergences entre les différents pays pour rechercher un terrain commun. Quel est le terrain commun ? C’est la paix et le développement. Le développement est la base de la paix et de la sécurité. Et la paix et la sécurité sont la condition préalable au développement.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, l’Initiative pour la sécurité mondiale exige d’observer ce principe selon lequel

un pays ne doit pas édifier ou consolider sa sécurité sur la base de l’insécurité des autres.

On doit porter un concept commun de sécurité. C’est une culture politique dont le consensus peut être très large.

Lors de l’événement d’aujourd’hui, on a constaté que les enfants français qui ont commencé très jeunes à apprendre la langue chinoise sont notre espoir pour l’avenir de l’amitié franco-chinoise. J’espère que nous pourrons continuer à organiser ce type d’événement.

Poèmes primés

Sacha Delabrousse, lauréat du prix d’or
Kevin Ricordel, lauréat prix d’argent
Kenan el Galai, lauréat prix de bronze.