Un vent de révolte se lève contre l’OTAN

lundi 23 mai 2022

Chronique stratégique du 23 mai 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

De plus en plus de pays, notamment dans le secteur en développement, refusent de se soumettre au diktat anglo-américain voulant que le complexe militaro-financier, associé à l’OTAN, représente un ordre dominant incontesté. Nous vous livrons ici un florilège de cette opposition qui se manifeste dans toutes les parties du monde.

L’opposition monte

Contrairement à l’image que voudraient imposer les Atlantistes et les médias de masse, le monde n’est pas séparé entre d’un côté la « communauté internationale » et de l’autre la Russie isolée de Poutine. Depuis le début du mois de mai, une résistance à la dynamique de l’OTAN s’est manifestée à travers de nombreuses déclarations et actions, en Inde, en Afrique, en Asie du Sud-Ouest, dans les pays de l’ASEAN, en Amérique latine.

Dès le début de la guerre en Ukraine déjà, les Occidentaux avaient échoué à convaincre le Premier ministre indien Narendra Modi de tenir la Russie pour responsable de la crise mondiale. Fin avril, l’Indonésie, qui accueillera le sommet du G20 en novembre prochain, a adressé une invitation officielle au président russe, malgré de fortes contre-pressions.

Le ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, a été accueilli en Algérie le 10 mai, où il a été annoncé, après des entretiens avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra, que les deux pays « prévoient de signer un traité confirmant une nouvelle qualité des relations bilatérales ». De là, il s’est rendu à Oman, où il a eu des discussions amicales et approfondies avec le sultan Haitham bin Tariq, le vice-premier ministre Fahd bin Mahmoud al-Said et son homologue omanais, Badr al-Busaidi, sur des questions internationales et régionales cruciales, notamment la production de pétrole, ainsi que sur l’Ukraine, l’Iran, le Yémen et la Syrie. Tout cela bien sûr, comme l’affirme Franceinfo, pour « faire croire » que la Russie reste une grande puissance !

Dans le secteur transatlantique lui-même, bien que la propagande de l’OTAN y soit omniprésente, la tentative de faire taire toute opposition a échoué. D’éminentes figures patriotiques de l’armée, du renseignement, des arts, des sciences et de la culture font entendre leurs voix. L’interview du colonel américain à la retraite Richard Black, publiée par l’Institut Schiller et intitulée « Les États-Unis conduisent le monde à la guerre nucléaire », a atteint près de 500 000 fois vues, montrant combien le sujet est prégnant.

Passons rapidement en revue cette résistance mondiale qui se lève.

États-Unis

Le 1er mai, des anciens du renseignement américain ont lancé un avertissement acerbe au président Biden selon lequel sa politique actuelle à l’égard de l’Ukraine et de la Russie joue avec le feu nucléaire. Le mémorandum a été publié sur le site Antiwar.com (et relayé sur le site de S&P) sous le titre « Les armes nucléaires ne peuvent pas être désinventées », et a été signé par 21 membres du comité directeur du Veteran Intelligence Professionnals for Sanity (VIPS, Anciens professionnels du renseignement, en défense de la santé mentale), parmi lesquels William Binney, ancien directeur technique de la NSA pour l’analyse géopolitique et militaire mondiale, le colonel Richard Black, ancien chef de la division pénale au Pentagone, Ray McGovern, ancien analyste de la CIA, Ted Postol, ancien conseiller scientifique et technologique pour la technologie des armes auprès du chef des opérations navales, et Scott Ritter, ancien inspecteur des Nations unies en Irak.

De son côté, le colonel Lawrence Wilkerson (retraité), ancien chef d’état-major du général Colin Powell, a prévenu, dans l’interview qu’il a accordée le 29 avril sur le blog TheAnalysis.news, que plus de 70 années de jeux de guerre militaires et de simulations informatiques ont conduit à une situation où l’on envisage, dans les états-majors américains, d’utiliser l’arme nucléaire, même dans un contexte « tactique » prétendument limité, faisant planer le risque d’une escalade incontrôlable vers une guerre nucléaire. Wilkerson a notamment pointé du doigt l’influence des néocons tel que Robert Kagan, l’époux de Victoria Nuland, la numéro 2 du Département d’État.

Le 2 mai, Oliver Stone, le réalisateur entre autres du film JFK et du documentaire Ukraine on fire, a publié un message sur Facebook et Twitter pour mettre en garde justement contre le danger d’explosion nucléaire sous fausse bannière, en soulignant le fait que Victoria Nuland a évoqué avec une étrange insistance – abondamment relayée par les médias – la possibilité d’une attaque nucléaire russe en Ukraine.

Par conséquent, je me demande si les États-Unis ne préparent pas le terrain pour une explosion nucléaire de faible puissance, d’origine inconnue, quelque part dans la région de Donbas, tuant des milliers d’Ukrainiens, écrit Stone. Bien sûr, si cela se produisait, Dieu nous en préserve, tous les yeux du monde seraient entraînés, comme un chien de Pavlov, à blâmer la Russie.

Grèce

En Grèce, une lettre ouverte a été adressée au gouvernement grec pour protester contre sa politique pro-OTAN en Ukraine. Elle compte 159 signatures, dont de nombreux professeurs d’université, des diplomates à la retraite, deux anciens ministres et un général de très haut rang récemment retraité. Intitulée « Protestons contre l’attitude du système politique et des médias à l’égard de l’Ukraine », la lettre qualifie la campagne médiatique « incroyable » de « barbarie effrénée qui, entre autres, diabolise les dirigeants russes » et conduit à « l’auto-manipulation de l’Europe, à sa soumission totale aux plans des États-Unis et de l’OTAN, alors que la possibilité impensable d’une catastrophe nucléaire mondiale se rapproche ».

Parmi les signataires notables figurent l’ancienne ministre associée des Finances Nadia Valavani, l’ancien vice-ministre de la Défense nationale Kostas Isychos, qui ont tous deux servi dans le précédent gouvernement dirigé par Syriza ; le lieutenant-général (à la retraite) Athanasios Tsouganatos, qui a pris sa retraite en 2019, et l’ambassadeur ad honorem Leonidas Chrysanthopoulos, qui a également signé la pétition de l’Institut Schiller.

Suède

En Suède, le leader du parti de gauche, Nooshi Dadgostar, a lancé un appel à la mobilisation contre l’adhésion de la Suède à l’OTAN, le 28 avril, dans une interview à la National Public Radio, et a exigé un référendum populaire. Cela a transformé les traditionnelles manifestations du 1er mai pour le parti de gauche en un énorme point de ralliement contre l’OTAN, avec une participation record de 25 000 personnes à Stockholm, et d’énormes participations dans d’autres villes. Par la suite, des fissures ont commencé à apparaître au sein du parti social-démocrate au pouvoir, avec notamment la ministre du climat et de l’environnement, Annika Strandhäll, qui s’est prononcée contre l’OTAN.

Le 28 avril, la Première ministre Andersson a déclaré qu’un référendum était une « mauvaise idée ». « Je ne pense pas que ce soit une question qui se prête à un référendum », a-t-elle déclaré aux journalistes. « Il y a beaucoup d’informations sur la sécurité nationale qui sont confidentielles, donc il y a des questions importantes dans un tel référendum qui ne peuvent pas être discutées et des faits importants qui ne peuvent pas être mis sur la table », a-t-elle avoué. La démocratie suédoise n’a pas fini d’étonner le monde.

Italie

En Italie, comme nous l’avons rapporté sur ce site, plusieurs hauts gradés militaires sont également montés au créneau. Le général Fabio Mini (retraité), ancien commandant de la mission KFOR dirigée par l’OTAN au Kosovo (2002-2003), a averti que nous nous trouvons au bord de la troisième guerre mondiale, et a appelé à la dissolution de l’OTAN, en raison de la menace qu’elle fait aujourd’hui peser sur la sécurité mondiale.

Le général (retraité) Leonardo Tricarico, ancien chef de l’armée de l’air italienne, a déclaré à la télévision nationale italienne La7 que l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN ne feraient qu’accroître l’instabilité internationale. Le 8 mai, avant l’annonce officielle de la Finlande, M. Tricarico a critiqué le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, pour sa déclaration selon laquelle l’adhésion stabiliserait le théâtre de la mer du Nord.

Le général Marco Bertolini (retraité), ancien commandant du commandement des opérations conjointes de l’armée italienne pour les opérations des forces spéciales (2004-2008), a exigé quant à lui que Stoltenberg se taise sur des sujets pour lesquels il n’a aucune compétence, dans une interview accordée à Il Fatto Quotidiano.

Serbie

En Serbie, dans un discours spécial à la nation le 6 mai, le président Aleksandar Vucic a déclaré que son pays n’adhérerait pas à l’OTAN : « La Serbie est un pays neutre et elle restera militairement neutre, s’il n’y a pas de majorité en faveur d’une décision différente ». Vucic a ajouté qu’il soutiendra la neutralité militaire, malgré le fait que presque tous les voisins de la Serbie sont membres de l’OTAN.

Autriche

En Autriche, un sondage réalisé au début du mois par l’Institut des sondages d’opinion et de l’analyse des données de Vienne, à la demande de l’Agence de presse autrichienne, a démontré que 75 % des citoyens interrogés s’opposent à l’adhésion à l’OTAN. Précisons que l’Autriche a conservé un statut de neutralité depuis le retrait des forces alliées en 1955, et s’est abstenue d’adhérer à l’OTAN pendant la guerre froide qui a suivi, jusqu’à aujourd’hui.

Brésil

L’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, actuellement en tête des sondages pour l’élection présidentielle d’octobre prochain, a insisté, dans une longue interview publiée le 4 mai dans le Time magazine, pour que les dirigeants mondiaux, le président Biden, le président Zelenskyy et l’UE cessent de jouer avec le feu et se mettent sérieusement à négocier.

Tout en affirmant que Poutine n’aurait pas dû envahir l’Ukraine, Lula a pointé du doigt la responsabilité des États-Unis et l’UE, qui n’auraient jamais dû selon lui évoquer la possibilité de faire adhérer ce pays à l’OTAN.

Bolivie

L’ancien président de l’État plurinational de Bolivie, Evo Morales Ayma, a déclaré qu’il organisait un mouvement international, à partir de l’organisation de gauche sud-américaine Runasur, pour mettre fin à l’OTAN :

L’OTAN est un danger pour la paix mondiale, pour la sécurité, nous sommes donc dans la tâche de parvenir à des accords avec les mouvements sociaux, non seulement en Amérique latine, mais sur tous les continents, pour l’éliminer. Si rien n’est fait contre l’Otan, elle deviendra une menace permanente pour l’humanité, a-t-il prévenu.

En France et en Allemagne, les voix sont également nombreuses contre le « train fou » de l’OTAN. CLIQUEZ ICI pour lire l’article sur la bataille en France.

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