Des terroristes américains made in Ukraine ?

lundi 6 juin 2022

Chronique stratégique du 6 juin 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le champ de bataille ukrainien sert-il de base de recrutement et d’entraînement pour des suprémacistes blancs américains ? C’est la question – au combien non politiquement correcte ! – posée par un document publié par le ministère américain de l’Intérieur (Department of Homeland Security – DHS) : les « extrémistes blancs motivés par la race » travaillant avec les milices néonazies ukrainiennes sont-ils formés à de nouvelles méthodes et techniques, qu’ils importeraient ensuite aux États-Unis ?

Alors que les États-Unis subissent un processus de deuil national à la suite d’une série de fusillades de masse, les nationalistes blancs américains ayant des antécédents documentés de violence acquièrent une expérience de combat avec des armes avancées fabriquées aux États-Unis dans une guerre par procuration étrangère, écrit Alexander Rubinstein sur le site The Grayzone, dans un article publié le 31 mai.

Rubinstein se base sur un document du DHS obtenu en vertu de la loi sur la liberté de l’information (FOIA) par l’ONG « Property of the People », à propos de ces individus classés par le DHS dans la catégorie « RMVE-WS », ou « extrémistes violents à motivation raciale - suprémacistes blancs ».

Le document, qui ressemble au scénario d’un film dément, a été rédigé par les douanes et la protection des frontières, le Bureau du renseignement et d’autres sous-agences de la sécurité intérieure. Il contient la retranscription d’entretiens menés par les forces de l’ordre avec des citoyens américains en route vers l’Ukraine pour combattre la Russie.

Rubinstein souligne tout d’abord que « Property of the People » a partagé le document du DHS avec le site Politico, mais que ce dernier a cherché à en minimiser et/ou discréditer le contenu, notamment dans l’introduction, où il est vicieusement suggéré que « des critiques affirment » que les éléments du DHS « font écho à l’un des principaux points de propagande du Kremlin ». Autrement dit, c’est peut-être vrai, mais cela fait partie des vérités que les gens « raisonnables » ont appris à ignorer.

Des néo-nazis bichonnés

Le document du DHS rapporte notamment qu’une trentaine d’Américains sont attachés à la « Légion nationale géorgienne » (GNL), nommée ainsi en raison du rôle joué par son chef de guerre géorgien Mamuka Mamulashvili, une milice ukrainienne se trouvant au cœur du réseau de transfert d’armes destinées aux unités militaires non standard en Ukraine, grâce à l’argent du Congrès américain et aux encouragements des médias occidentaux.

Le personnage de Paul Gray, qui a passé deux mois avec la GNL, est évoqué. Gray avait servi plusieurs fois en Irak avec la 101e division aéroportée, il a été membre de divers groupes racistes violents — « American Vanguard, « Atomwaffen Division » et « Patriot Front ». Ce dernier a été fondé par Thomas Rousseau, après que son groupe précédent, « Vanguard », a été impliqué dans des violences à Charlottesville, VA, en 2017 (La voiture qui a foncé sur les manifestants, faisant un mort, était conduite par un membre de Vanguard). Gray a suivi Rousseau dans l’un, puis l’autre de ses groupes.

Début 2021, Gray a ouvert une salle de sport à Kiev, attirant les amateurs d’arts martiaux, et il a formé des volontaires ukrainiens aux techniques militaires américaines. Plus tard, lui et son associé Manus McCaffery « ont travaillé en équipe pour cibler des chars et des véhicules russes avec des missiles antichars Javelin de fabrication américaine ».

La chaîne Fox News a accordé de nombreuses interviews à Gray (voir l’image en tête d’article), le dépeignant comme un GI héroïque se sacrifiant pour défendre la démocratie, et occultant le lourd passif (et actif) néonazi du personnage aux téléspectateurs.

Rubinstein décrit comment trois membres différents d’Atomwaffen — sans doute le groupe le plus ouvertement nazi — ont été impliqués dans divers meurtres. Il affirme que le fondateur de GNL, Mamulashvili, a été envoyé en Ukraine, apparemment par le fidèle agent occidental Mikhail Saakashvili, un pur produit des « révolutions de couleurs » du milliardaire américain George Soros.

En particulier, sa légion GNL aurait exécuté des prisonniers de guerre russes à 8 km de Boutcha le 30 mars, c’est-à-dire 48 heures avant que les corps de Boutcha ne soient « découverts » par le monde entier. Rappelons que des prisonniers de guerre russes avaient également été exécutés près de Kharkiv par un groupe lié au bataillon Azov quelques jours auparavant.

Un autre membre de GNL se nomme Craig Lang, un vétéran d’Irak et d’Afghanistan — un charmant garçon connu pour avoir tenté de tuer sa femme en entourant son logement de mines... Lang a rejoint la milice ukrainienne du Secteur droit en 2015, et aurait recruté d’autres Occidentaux. Dans le cadre de ses activités au sein du Secteur droit, il aurait fait prisonniers des non-combattants, les aurait ensuite battus, frappés, lapidés et/ou noyés. Une vidéo le montre notamment en train de battre et de noyer une fille.

Et bien qu’il ait été inculpé par le ministère de la Justice pour le meurtre d’un couple en Floride, il ne semble pas que cela l’ait empêché de mener ses activités en Ukraine.

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Des djihadistes aux néo-nazis

La formation directe et indirecte de nazis et d’ultranationalistes en Ukraine, pour combattre les Russes, ne serait pas une première du genre de la part des agences américaines.

« Ce programme suit le plan établi par les agences de renseignement occidentales en Afghanistan et en Syrie », écrit T.J. Coles dans un autre article paru dans The Grayzone. Coles rappelle comment la CIA, le MI6 et d’autres agences anglo-américaines ont armé et entraîné, tout au long des années 1980, des dizaines de milliers de djihadistes de divers pays, afin de les utiliser pour enfermer les Soviétiques dans le « piège afghan » — des moudjahidins, ou « combattants de la liberté », qui se sont par la suite rebaptisés « al-Qaïda », et ont lancé une série d’attaques spectaculairement sanglantes contre des cibles stratégiquement aux États-Unis et en Europe, qui ont fourni une justification pour une « guerre mondiale contre le terrorisme » qui continue de servir de couverture idéologique à l’hégémonie américaine contemporaine.

Aujourd’hui, la CIA, les forces spéciales américaines et d’autres branches du gouvernement sont formation unités régulières en Ukraine, écrit Coles. Avec le soutien des États-Unis, des éléments d’extrême droite de ces unités continuent à s’entraîner et à recruter pour les unités et les gangs paramilitaires nazis. Les Américains nationalistes blancs sont autorisés à se rendre en Ukraine et à former des paramilitaires et/ou à recevoir une formation. Les médias d’État et les entreprises ont confirmé l’existence d’un important programme d’entraînement de la CIA impliquant une guerre ‘irrégulière’ (c’est-à-dire terroriste), mais nous ne connaissons pas encore le nom de l’opération.

Certains tenteront d’évacuer la question en répétant que « ce genre de contenu fait écho à l’un des principaux points de propagande du Kremlin ». Les mêmes devraient prier pour que Poutine ne se mette pas à faire l’éloge de l’eau potable et de l’air pur...

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