Entretien avec l’Ambassadeur de Chine en France, M. Lu Shaye, en marge d’une reception culturelle

lundi 29 août 2022, par Christine Bierre

Le 24 août, l’Ambassade de Chine en France a donné, une fois de plus, un bel exemple de ce qui doit nourrir les bonnes relations entre deux pays. Une réception amicale sur le thème « Etudes en Chine ; civilisations croisées » était organisée pour accueillir des dizaines d’étudiants français se préparent à aller faire leurs études en Chine, ou y étudient déjà et préparent leur retour dès la fin de la COVID. Une centaine de personnes étaient présentes, y compris des représentants des ministères des Affaires étrangères et de l’Enseignement supérieur.

Cette réception fut l’occasion d’entendre des jeunes filles réciter un poème, « A la Mer », en mandarin ; d’autres étudiants plus âgés décrivirent, toujours en mandarin, leur expérience d’étudiants en Chine, sur fond de musique traditionnelle chinoise. Tous, ceux qui ont présenté leur travail comme ceux qui étaient parmi le public, semblaient inspirés par la perspective de partir en Chine, ce pays singulier qui, en si peu de temps, s’est hissé aux premiers rangs de la science, tout en sortant en même temps de la pauvreté extrême le plus grand nombre de ses habitants.

Dans son allocution d’accueil, l’Ambassadeur de Chine, M. Lu Shaye, souligna combien « les étudiants sont les acteurs de l’inspiration mutuelle entre les civilisations française et chinoise, et du rapprochement entre les deux peuples, apportant un dynamisme dans les relations françaises ». Les échanges culturels entre les deux pays sont vivaces, a-t-il souligné. La communauté d’étudiants chinois en France dépasse les 40 000 et celle des étudiants français en Chine a atteint 10 000, avant la COVID, représentant ainsi les plus importantes communautés d’étudiants internationaux dans chaque pays. 108 000 personnes étudient aujourd’hui le chinois en France. L’ambassadeur de Chine souligna également qu’un certain nombre d’universités chinoises et de nombreuses disciplines sont désormais classées parmi les leaders mondiaux, offrant des opportunités illimités.

Dans le même esprit, M. Lin Zhongqin, président de l’Université Jiao Tong de Shanghai, l’une des plus prestigieuses universités chinoises, est intervenu par vidéo depuis cette ville, pour évoquer la coopération amicale et approfondie de son institution avec les universités françaises, dans de nombreux domaines tels que la recherche scientifique et l’innovation. Grâce aux efforts inlassables de la Chine et de la France, a-t-il dit, l’alliance stratégique entre l’école d’ingénieurs Paris Tech, qui compte le meilleur de l’ingénierie française, et l’Université Jiao Tong de Shanghai a obtenu de nombreuses relocalisations et distinctions remarquables.

Taiwan, un piège tendu à la Chine

Entretien avec son Excellence, M. l’ambassadeur de Chine Lu Shaye

En marge de la réception, Christine Bierre, rédactrice-en-chef de Nouvelle Solidarité, et Odile Mojon, rédactrice du site de l’Institut Schiller, ont recueilli les propos de l’Ambassadeur de Chine, M. Lu Shaye, sur cette question importante de l’actualité.

Q : Quel a été l’impact de la visite provocatrice de Nancy Pelosi à Taiwan, au niveau des relations entre la Chine et les autres pays de la région ? On a vu que le Japon, la Corée du Sud et d’autres n’avaient pas particulièrement apprécié cette visite.

Lu Shaye : En effet, cette visite provocatrice de Nancy Pelosi avait pour but de saboter les relations entre la Chine et les autres pays de la région, y compris le Japon, la Corée du Sud, et les pays de l’ASEAN en Asie du Sud-Est, qui sont parmi les partenaires commerciaux prioritaires de la Chine. Actuellement, dans la région Asie Pacifique, la situation est très paisible, la coopération entre la Chine et ces pays se développe très bien et je pense que les Etats-Unis ne veulent pas voir cette situation-là. Ils veulent toujours enfoncer un coin entre la Chine et ces pays.

Cette visite de Nancy Pelosi avait pour but non seulement de violer la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine, mais aussi de saboter la stabilité de la région.

A travers cette visite provocatrice, ils veulent agacer la Chine pour déclencher une guerre. A vrai dire, ils veulent lui tendre un piège, mais les dirigeants chinois, très raisonnables et visionnaires, ne sont pas tombés dans ce piège. Mais nous avons le droit de réagir. C’est pourquoi, après sa visite, le gouvernement chinois a annoncé une série de contre-mesures, notamment des manœuvres militaires autour de Taïwan, parce que Taïwan fait partie de la Chine et que nous avons tout à fait le droit de faire des manœuvres militaires pour exercer notre autodéfense et pour manifester notre capacité de défense, vis-à-vis des forces étrangères, afin de dissuader toute ingérence extérieure dans nos affaires intérieures.

Q : Nous sommes ici à cette réception « Études échangées, civilisations croisées », pour apprendre sur les nombreux échanges qui existent entre universitaires français et chinois. Pourtant, n’y a-t-il pas quelque chose de plus à faire pour rebâtir une grande école de sinologie en France, qui ne soit pas systématiquement à charge contre la Chine ? Aujourd’hui les grandes écoles qui forment les sinologues semblent toutes suivre les orientations de l’Anglosphère contre la Chine.

L.S. : C’est le problème. J’ai remarqué aussi qu’actuellement, l’atmosphère dans le monde occidental, vis-à-vis de la Chine, n’est pas très favorable. Je pense que c’est à cause de l’influence des pays anglo-saxons. En effet, les pays européens étaient auparavant très favorables à la coopération avec la Chine. Surtout la France. Il y a vingt ans, j’étais à Paris ; je travaillais à l’Ambassade de Chine, et à cette époque, c’était le mandat du président Jacques Chirac. Tout le monde le sait, c’était un grand ami de la Chine. Sous sa présidence, les relations d’amitié et de coopération entre les deux pays ont donné beaucoup de fruits. Les deux pays ont organisé une année de culture sino-française, une première dans les pays occidentaux, et il y a eu encore beaucoup d’autres événements.

Maintenant, vingt ans après, lorsque je reviens en France, je remarque que dans les médias, dans les think tank, il y a des chercheurs qui se prétendent sinologues mais à vrai dire, ils connaissent très peu la Chine.

Il y a des années, il existait encore en France de vrais sinologues qui étudiaient la culture chinoise. Je pense à M. Léon Vandermeersch, qui s’est éteint l’année dernière à 92 ans. Il a étudié la culture chinoise pendant des dizaines d’années. Les prétendus sinologues actuels n’ont jamais étudié la culture chinoise. Ils connaissent peut-être la politique et l’économie actuelle de la Chine, mais ils sont très facilement influencés par les Américains sur le plan idéologique. C’est pourquoi je remarque que leur vision de la Chine se fait toujours à travers un prisme idéologique. C’est presque un réflexe de critiquer tout ce qui est chinois. Je pense qu’il sera difficile de changer, parce que l’influence des Anglo-saxons dure depuis des dizaines d’années. Il faudra beaucoup de temps pour renverser cette tendance.

Mais il ne faut pas perdre confiance. C’est pourquoi l’Ambassade persévère dans la communication avec le public français, avec les différents milieux, pour présenter la Chine authentique, la Chine globale, pour promouvoir les échanges entre les étudiants des deux pays et faire le maximum pour que les Français connaissent une Chine authentique, au lieu de la connaître à travers ces médias et ces chercheurs soi-disant sinologues.

Q : Au vu des différentes présentations qui ont eu lieu ce soir, de ces jeunes qui vont aller en Chine, êtes-vous optimiste sur la possibilité d’un changement ?

L.S. : Je suis très content de voir autant de jeunes Français, ce soir à l’Ambassade, qui vont se rendre prochainement en Chine. Je peux voir sur leur visage qu’ils aiment bien aller en Chine. Même s’ils n’y sont jamais allés avant, ils aspirent à s’y rendre, pour voir un grand pays totalement différent de la France et apprendre une langue tout à fait différente du français. Les jeunes sont très purs, je pense, ils ne sont pas encore influencés ni endoctrinés par cette propagande anti-chinoise, et j’espère qu’après leur séjour et leurs études en Chine, lorsqu’ils reviendront en France, ils pourront raconter aux autres Français ce qu’ils ont vécu là-bas. Comme ça, petit à petit, les Français pourront obtenir des informations plus objectives, plus complètes de la Chine.

Tout à l’heure, j’ai rencontré des étudiants français qui ont déjà étudié plusieurs années en Chine, et cette fois, ils vont y retourner pour poursuivre des études universitaires de haut niveau. Ils apprennent non seulement la culture chinoise, mais aussi la science, et même la médecine occidentale. Est-ce que vous apprenez la médecine traditionnelle chinoise ? leur ai-je demandé. – Non, j’apprends la médecine occidentale, mais dans une université chinoise. Ce qui signifie que la science en Chine atteint déjà un niveau assez élevé. C’est comme ça qu’on peut échanger, apprendre l’un de l’autre, s’inspirer les uns des autres.

C’est bien ce qu’on appelle la civilisation.