Avant d’aller spéculer ailleurs, les banquiers nous demandent d’éteindre les lumières

lundi 12 septembre 2022

Chronique stratégique du 12 septembre 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Le géant de la banque d’investissement JP Morgan envisagerait de délocaliser ses effectifs de Francfort à la City de Londres par crainte d’éventuelles pannes d’électricité, alors que la crise énergétique s’aggrave.

Les dernières blagues qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux ?

’Quelle différence entre le Titanic et l’UE (la Californie dans la version US) ? Aucune, à part le fait qu’au bord du Titanic, les passagers avaient suffisamment de lumière pour voir le navire couler.

Caricature montrant deux clochards glanant quelque nourriture dans une benne d’ordures. Le premier ’Qu’est-ce qui t’as plongé dans la misère ? La drogue, des pertes aux jeux, un meurtre ?’ L’autre : ’Non, j’ai laisse allumé l’ampoule du frigo’...

Crise énergétique

En France, où l’exécutif voit jaune et non pas rouge, un Conseil de défense s’est penché sur la crise énergétique et surtout l’explosion sociale qu’elle va provoquer. De toute façon, pour Macron et son clan, l’économie physique n’existe pas et un prix élevé de l’énergie est une bonne chose car, à part nous apprendre la sobriété, cela augmente la compétitivité (financière) de modes de production inefficients tels que le solaire, l’éolien et les énergies de schiste américains. Et si cela provoque des faillites et un chômage de masse, c’est une excellente occasion pour faire comprendre à toute une « génération d’enfants gâtés » qu’ils doivent accepter la fin des alloc et de la retraite à 62 ans et apprendre à bosser jusqu’à l’épuisement !

Bien qu’Elisabeth Borne a assuré fin août exclure tout coupure de gaz pour les ménages cet hiver, d’après France Info « ce n’est pas le cas pour l’électricité. Des ’délestages tournants’ seront possibles en cas de pic de consommation (…) Les coupures font partie des mesures prévues par le réseau de transport de l’électricité RTE, mais en dernier recours. Avant d’en arriver à ce stade, RTE prévoit d’abord de suspendre l’alimentation pour une dizaine d’entreprises qui consomment énormément d’électricité, en cas de déséquilibre voire de black out. Si cela ne suffit pas, la tension électricité est baissée de 5% sur tout le réseau. »

« En cas de coupure d’électricité, les box internet ne seraient plus alimentées, rapportait BFM le 2 septembre. Nos communications téléphoniques, dont les appels d’urgence, ainsi que le télétravail pourraient être impactés ». En Suisse, en cas d’hypothèse extrême, on parle de « 4h de fournitures, suivies de 4h de coupures au minimum, soit 12h/ jour sans chauffage, eau chaude, four, cuisinière... A minima »…Ambiance.

En Californie, où l’on a fait du forcing pour obliger les citoyens de se doter de voitures électriques, l’État, incapable de leur fournir de l’électricité, leur demande de ne pas trop charger les batteries des véhicules…

Le plan de sortie de JP Morgan

Evidemment, il y a un secteur auquel Macron tient très fort qui risque d’être impacté négativement : les banques et leurs back offices équipés d’ordinateurs ultra-performants capables de traquer le moindre mouvement sur les marchés pour faire des paris spéculatifs. Or, en cas de coupure, les pertes seront systémiques.

D’ailleurs, on découvre que JP Morgan serait en train d’élaborer des plans d’urgence pour s’assurer qu’elle pourra poursuivre ses opérations spéculatives si la décision de Vladimir Poutine d’interrompre l’approvisionnement en gaz russe entraîne des pannes de courant dévastatrices. Cette mesure d’urgence intervient deux ans seulement après que la méga-banque de Wall Street a annoncé, suite au Brexit, qu’elle transférerait environ 200 milliards d’euros d’actifs (d’une valeur de 183 milliards de livres sterling à l’époque) du Royaume-Uni vers Francfort, le poumon financier allemand.

Moscou a en effet annoncé le 1er septembre que le gazoduc Nord Stream 1, crucial pour l’approvisionnement en gaz de l’Europe, resterait fermé jusqu’à la levée des sanctions occidentales imposées à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les dirigeants européens, emportés dans leur délire suicidaire, ont accusé le Kremlin d’utiliser le gaz comme « une arme contre les consommateurs » et ont décidé de surenchérir en plafonnant les prix du pétrole russe, ce qui laisse penser que la situation n’est pas prête à s’arranger.

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Selon une source de JP Morgan, en cas de besoin, les employés pourraient également être délocalisés vers d’autres sites que Londres si l’Allemagne, qui dépend du gaz russe, était plongée dans un blackout. La banque pourrait également demander à son personnel de travailler à domicile, voire de recourir à des générateurs diesel dans ses bureaux, ce qui leur permettrait de fonctionner pendant plusieurs jours sans alimentation secteur.

Toutefois, les plans auraient été créés par « précaution » et les patrons n’auraient pour l’instant aucune intention de les mettre en œuvre, assure The Telegraph. « Il faudrait une « tempête parfaite » avec un arrêt complet de l’approvisionnement en gaz russe, aucune réduction de la consommation de gaz et peu de sources alternatives d’approvisionnement en gaz pour que cela ait un réel impact sur nos activités », a confié une source interne à la banque au quotidien britannique. Les gouvernements européens sont prévenus...

Il faut dire que le risque de coupure d’électricité cet hiver fait peser une menace très concrète sur les banques européennes : car en cas de blackout, les agences bancaires seront tout simplement HS, et il sera autant impossible de retirer de l’argent au distributeur automatique que de faire un virement par Internet.

La fin de « l’argent magique »

Il ne faut toutefois pas se tromper : la véritable menace pour les méga-banques vient avant tout de la fin de l’orgie de liquidités, annoncée par la hausse progressive des taux d’intérêts par les banques centrales. Et parmi les bulles alimentées par cet « argent magique », celle des entreprises pourrait être la plus dévastatrice.

En effet, l’augmentation très rapide de la dette mondiale des entreprises depuis 2017 — de 60 000 milliards de dollars à 85 000 milliards de dollars selon les données de la Réserve fédérale — indique le potentiel d’une crise du système bancaire et financier sous-jacent à la crise actuelle de liquidité apparente de l’énergie et sociétés de production et de négoce de matières premières. En bref, un renflouement risque de devenir nécessaire pour les banques européennes.

La BCE intensifie son contrôle de la réponse des banques à la crise énergétique, rapporte Bloomberg News le 9 septembre : la Banque centrale européenne a contacté les méga-banques de Londres, Paris et Francfort pour leur demander : Vous n’avez pas de problèmes de défaut de paiement de la dette des entreprises, n’est-ce pas ?

« La BCE intensifie les discussions avec les dirigeants des banques sur leur préparation à une éventuelle augmentation des défauts de paiement des entreprises et à un assèchement de la liquidité du marché de l’énergie, au milieu de l’aggravation de l’impasse sur l’approvisionnement en gaz russe, note Bloomberg. L’organisme de surveillance bancaire basé à Francfort a écrit aux prêteurs le mois dernier, leur disant d’analyser l’impact d’un arrêt de gaz sur leurs activités, selon des personnes proches du dossier. (...) Les régulateurs poussent les banques à s’assurer qu’elles disposent de réserves suffisantes pour les défauts de paiement en identifiant leurs clients les plus exposés ainsi que l’effet sur les entreprises qui ne sont pas directement affectées par les retombées de l’invasion russe de l’Ukraine ».

Par ailleurs, la BCE a enquêté sur l’exposition des banques aux dérivés sur l’énergie et les matières premières. Car les méga-banques sont les contreparties des grandes entreprises concernées à la fois dans les prêts sur marge de ces dernières (sous réserve de la crise de liquidité en ce moment) et dans leur exposition aux dérivés. En mars dernier, les dirigeants de JP Morgan Chase avaient déjà exprimé leurs inquiétudes à ce sujet…

Comme l’avait dit Jacques Cheminade un jour, il ne sert à rien de changer de chaussettes sans se laver les pieds. C’est pourquoi, chers lecteurs, nous vous invitons à soutenir les efforts de Solidarité & progrès et de l’Institut Schiller pour réorganiser le système financier mondial, à signer l’appel à un Comité ad hoc pour un Nouveau Bretton Woods, et à vous rendre ce samedi 17 septembre à la conférence nationale et internationale de S&P.