Attaque du pont de Crimée : Perfide Albion ?

mercredi 12 octobre 2022

Chronique stratégique du 12 octobre 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Si l’attaque terroriste du 8 octobre contre le pont de Crimée survient dans le contexte d’une escalade stratégique avec l’attentat contre les gazoducs Nord Stream 1 et 2, elle a été envisagée plusieurs mois auparavant, comme le révèlent des documents divulgués impliquant les services de renseignements britanniques.

Au matin du 8 octobre, soit environ dix jours après le sabotage des gazoducs en mer Baltique, l’attaque a partiellement détruit le pont de Crimée, dans le détroit de Kertch. Un camion (kamikaze ?) a explosé, mettant le feu à deux pétroliers, provoquant l’effondrement de deux travées de la route et tuant trois personnes.

Tandis que la section touchée a été rapidement réparée et que le trafic a repris le lendemain, les médias occidentaux ont célébré l’incident comme le dernier épisode de la supposée série d’échecs subis par la partie russe dans le conflit avec l’Ukraine. Certains journalistes se sont même laissés aller à applaudir ouvertement ce qu’ils ont baptisé le « plus beau cadeau d’anniversaire » jamais offert à Poutine, et à plaisanter sur ce qui pourrait vraisemblablement être classé comme un crime de guerre qui a coûté la vie à des civils.

L’attentat a en effet pris pour cible une infrastructure assurant la liaison entre la Crimée et la Russie continentale, construite entre 2016 et 2019 pour un coût de 4 milliards de dollars, et dont l’ouverture a permis à Moscou de consolider ses relations avec ce territoire majoritairement russophone.

Suite à l’attaque contre le pont, dont Vladimir Poutine a désigné comme responsables les services secrets ukrainiens SBU, le président russe a déclaré : « Il ne fait aucun doute ici qu’il s’agissait d’un acte terroriste visant à détruire les infrastructures civiles essentielles de la Fédération de Russie ».

On peut douter cependant que les services secrets ukrainiens aient mené seuls cette opération. En effet, six mois avant cette attaque, une présentation rédigée à l’intention des agents de renseignement britanniques mentionnait l’attaque du pont comme l’un des nombreux plans destinés à nuire aux forces militaires russes.

Bien que les plans détaillés dans le rapport diffèrent de la méthode utilisée lors de l’attaque du 8 octobre sur le pont, l’intérêt britannique pour la planification d’une attaque sur le pont « souligne l’implication profonde des puissances de l’Otan dans la guerre par procuration en Ukraine », écrit Kit Klarenberg, journaliste au site Internet Grayzone, qui a pu se procurer le document par le biais d’une source interne anonyme.

Presque exactement au moment où Londres était impliqué dans le sabotage des pourparlers de paix entre Kiev et Moscou en avril de cette année, des agents du renseignement militaire britannique élaboraient des plans pour détruire un important pont russe traversé par des milliers de civils chaque jour.

Le plan de destruction du pont envisagé « nécessiterait qu’une batterie de missiles de croisière frappe les deux piliers en béton situés de part et d’autre de l’arche centrale en acier, ce qui provoquerait une défaillance structurelle complète », écrivait l’auteur du rapport. Une autre solution consisterait à utiliser une « équipe de plongeurs d’attaque ou des UUV [drones sous-marins] équipés de mines à patelle et de charges coupantes linéaires » pour cibler une « faiblesse clé » et un « défaut de conception » dans les piliers du pont.

Selon des courriels également obtenus par Grayzone, Chris Donnelly, un officier de réserve du British Army Intelligence Corps, a déclaré que les propositions étaient « très impressionnantes ». La présentation semble avoir été rédigée par Hugh Ward, un vétéran de l’armée britannique.

Si le principal ressort de l’escalade stratégique actuelle est lié à l’effondrement d’un Empire militaro-financier global centré sur Washington et Wall Street, il ne faut pas oublier le rôle instigateur de l’« ex » perfide Albion.

Comme nos lecteurs ont pu le constater, la main (pas si invisible) des Britanniques est active en Ukraine depuis de nombreuses années ; on lui doit notamment d’avoir largement contribué, après le coup d’État de 2014, à la prise de pouvoir à Kiev par les réseaux néonazis ukrainiens, héritiers des collaborateurs des Nazis, que les services secrets de Londres avaient gardé au chaud depuis la fin de la deuxième guerre mondiale…

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