Penser l’hôpital autrement, le modèle valenciennois

lundi 19 septembre 2022, par Agnès Farkas

Malgré un passé glorieux, la France doit aujourd’hui prendre des mesures d’urgence pour sauver l’hôpital public.

Et si l’une des clefs était de redonner au personnel soignant la liberté nécessaire pour reconstruire un véritable service de santé public, en lui donnant aussi les cordons de la bourse ? Il y a 15 ans, l’économiste Jean Guicheteau et les directeurs généraux (DG) Rodolphe Bourret et Philippe Jahan se sont lancé un défi et ont introduit un nouveau modèle de gestion au Centre hospitalier de Valenciennes (CHV).

Et il marche !

Faire confiance aux professionnels de santé

Au sein de l’hôpital public s’affrontent aujourd’hui deux visions : celle de la gestion opérationnelle de l’administration (contrôle budgétaire) et celle des besoins des pôles cliniques et médico-techniques en personnel et en équipements de santé.

C’est le dilemme qui se pose depuis la transformation de nos hôpitaux publics en entreprises dirigées par des managers extérieurs, non médecins, devant assurer leur rentabilité, sans rien connaître des contraintes des médecins au quotidien. Si le dialogue entre ces deux groupes semblait impossible, le Directeur Général du CHV de 2001 à 2017, Philippe Jahan, a initié un modèle de confiance réciproque entre le directeur général de l’hôpital - non médecin - et les divers pôles d’activité hospitaliers dirigés par les médecins.

Ce fut le bouleversement total des pouvoirs de décision au sein de l’établissement : il donna aux cadres soignants le rôle de chefs de pôle gestionnaires. Auparavant, la moindre commande de médicaments engendrait de la bureaucratie et parfois des semaines de délai. Aujourd’hui le chef de pôle peut agir en toute autonomie, sous un certain seuil.

A partir de 2017, Rodolphe Bourret, devenu DG, met l’accent sur trois questions essentielles :

  • la confiance envers les équipes soignantes : les décisions viennent des acteurs de terrain et sont mises en œuvre par le DG ;
  • la gestion est déléguée à 90% aux 14 chefs de pôles cliniques et de pôles médico-techniques. En dessous d’une enveloppe de 75 000 euros, les chefs de pôle ont le pouvoir de recruter le personnel médical et non médical selon les besoins de leur service et de faire des investissements techniques de manière autonome ;
  • la performance favorisée par cette autonomie relative attise l’esprit d’initiative et la créativité.

Une solidarité collective

Cette « nouvelle gouvernance » donne aux chefs de pôles, non seulement les moyens d’une mise en œuvre rapide des projets, mais aussi la possibilité d’ouvrir de nouveaux services (chirurgicaux, imagerie médicale) avec un recrutement de personnel de bon niveau et le matériel technique afférent. L’innovation est donc portée par les professionnels de santé, qui acceptent d’autant plus volontiers les responsabilités de gestion de leur pôle.

Avec ses 5500 agents, l’hôpital de Valenciennes est, à ce jour, le plus gros Centre hospitalier général de France. Il enregistre sept millions d’euros de bénéfices chaque année, réinvestis en totalité notamment dans la plus haute technologie. Comme ce robot dernière génération, d’un coût de deux millions d’euros, qui permet d’opérer grâce à une vision 3D. Voilà ce qui peut attirer les jeunes médecins en quête de travail valorisant.

Une solidarité collective est ainsi créée et « de plus, et ce n’est pas négligeable, la qualité des soins s’en trouve augmentée » selon Jean Guicheteau.
Sur la base de cette expérience heureuse, Rodolphe Bourret souhaite désormais un partenariat entre l’hôpital public et le médico-social (assistance sociale) autour d’un territoire, pour une véritable protection du citoyen, « non seulement dans un cycle de santé mais aussi dans un cycle de vie ».