Ukraine : Moscou démasque l’implication directe de Londres

mercredi 2 novembre 2022

Chronique stratégique du 2 novembre 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Suite à l’attaque massive par des drones ukrainiens maritimes et aériens contre la flotte russe positionnée dans le port de Sébastopol, le 29 octobre, Moscou a pointé du doigt l’implication des services secrets britanniques, y compris dans le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 dans la mer Baltique du 26 septembre.

Voir le communiqué de ministère russe des Affaires étrangères.

La Russie accuse Londres d’avoir organisé le bombardement de sa flotte par drones à Sébastopol et d’avoir préparé les conditions pour les attentats contre Nord Stream, écrit Jacques Cheminade sur son compte Twitter. Cela revient à une accusation de cobelligérance. Les somnambules avancent, urgence de négocier la paix.

Manufacture britannique

Selon le ministère de la Défense russe, l’attaque contre la base navale de Sébastopol a mobilisé neuf drones aériens et sept drones marins, qui visaient les navires impliqués dans la sécurité des convois chargés de transporter des céréales ukrainiennes, dans le cadre d’un accord conclu sous l’égide des Nations unies et de la Turquie – qui est de fait suspendu, en conséquence directe de ces attaques, bien que la Russie annonce aujourd’hui vouloir les reprendre.

Le communiqué du ministère ajoute que les drones utilisés seraient de fabrication ukrainienne et conçus à partir de composants issus de plusieurs pays, dont des modules de navigation canadiens, et auraient été lancés depuis la côte près d’Odessa, notamment grâce à l’appui de « spécialistes militaires britanniques ».

Ainsi, la préparation de l’attaque et la formation du personnel naval ukrainien impliqué auraient été effectuées « sous la supervision de spécialistes britanniques dans la ville d’Ochakov, dans la région de Nikolayev en Ukraine », explique le communiqué, ajoutant :

Selon les informations disponibles, les représentants de cette unité de la marine britannique ont été impliqués dans le complot, l’organisation et la mise en œuvre de l’attaque terroriste en mer Baltique le 26 septembre de cette année pour faire sauter les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2.

« It’s done »

« La Russie a demandé à plusieurs reprises une enquête conjointe » sur les attaques contre les gazoducs Nord Stream, a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, sur Telegram. Des propositions pertinentes ont été envoyées aux gouvernements du Danemark, de la Suède et de l’Allemagne. Le fait que les pays occidentaux aient refusé cette proposition confirme qu’ils ont quelque chose à cacher. Nous comprenons maintenant ce qu’ils cachent exactement ».

Cerise sur le gâteau, une minute seulement après l’explosion des gazoducs Nord Stream, Liz Truss, qui était alors Première ministre, aurait utilisé son iPhone pour envoyer un message au secrétaire d’État américain Antony Blinken disant « It’s done » (C’est fait), comme l’a affirmé le 30 octobre Kim Dotcom, un informaticien et militant de la liberté d’expression.

C’est le moment qu’a choisi le Mail on Sunday pour révéler que le téléphone personnel de Liz Truss avait été piraté par des agents du Kremlin l’été dernier, alors que Liz Truss était encore ministre des Affaires étrangères. Selon l’article du journal, les espions auraient eu accès à des conversations sensibles à propos de l’Ukraine et des livraisons d’armes – laissant entendre ainsi que l’on ne pouvait pas apporter de crédit aux allégations de Kim Dotcom.

Quoi qu’il en soit, le porte-parole du président Poutine, Dmitriy Peskov, a déclaré mardi que les agents des services de renseignement russes sont en possession de données indiquant que des spécialistes militaires britanniques « dirigeaient et coordonnaient l’attaque ». Et de son côté, Maria Zakharova a affirmé que la Russie compte saisir le Conseil de sécurité des Nations unies sur l’implication du Royaume-Uni dans la série d’attaques terroristes commises contre la Fédération de Russie dans les mers Noire et Baltique.

Londres : plaque tournante depuis 2014

Le rôle des services secrets britanniques en Ukraine est bien connu, du moins pour ceux qui s’informent ailleurs que sur « Radio Otan », et qui ont par exemple suivi nos publications à ce sujet depuis le coup d’État de Maïdan (voir notre dossier, publié en février 2015 : Les origines anglo-américaines des néo-nazis en Ukraine).

Dans son communiqué du 30 octobre, l’ambassade de Russie à Londres met en lumière le rôle des Britanniques en Ukraine depuis 2014 : « Les informations fournies illustrent clairement le degré significatif d’implication des services militaires et spéciaux britanniques dans les hostilités en Ukraine ». Suite au coup d’État de Maïdan, Londres a en effet formé 22 000 militants ukrainiens sur la conduite d’opérations militaires, y compris dans des zones urbaines denses.

L’industrie de la Défense britannique participe activement à l’approvisionnement de l’Ukraine en armes qui sont utilisées par les escadrons de la mort locaux et les formations nazies pour massacrer les civils et démolir les infrastructures civiles, affirme l’ambassade. Là encore, les services de renseignements britanniques ne cachent pas qu’ils fournissent aux Forces armées ukrainiennes (AFU) de généreux renseignements opérationnels. Il est également de notoriété publique que des mercenaires britanniques parmi les ‘retraités militaires’, ainsi que des militants d’extrême droite et néonazis, sont présents au niveau du commandement et au sein des formations de combat de l’AFU ‘sur le terrain’.

Comme nous l’avons souligné sur ce site, les attaques terroristes du 26 septembre contre Nord Stream et du 8 octobre contre le pont de Crimée (pour laquelle l’implication des Britanniques est également en question) ont ouvert une nouvelle phase très dangereuse de la crise stratégique. Au moment où la pression populaire monte, des deux côtés de l’Atlantique, pour sortir de la stratégie belligérante de l’Otan et pour ouvrir des négociations de paix avec la Russie, il est crucial de dévoiler au grand jour le rôle néfaste des Britanniques.

D’après les spécialistes militaires que nous avons pu consulter, une telle participation britannique n’est pas à exclure et même hautement « probable ». Par ailleurs, soulignent-ils, lancer une telle accusation permet à Moscou d’envoyer un message fort à Londres lui indiquant qu’elle sera une cible privilégiée lors d’une riposte éventuelle (y compris nucléaire), tout en demandant à Washington si les États-Unis seraient réellement prêts à suivre Londres dans des provocations aussi extrêmes.

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