Premier Forum Chine-France de Paris

Nouveaux partenariats sino-français et sino-européens

mercredi 23 novembre 2022, par Christine Bierre

Le 15 novembre, l’ambassade de Chine en France a organisé à Paris, à l’UNESCO, un forum de haut niveau sur le thème « Nouveaux partenariats sino-français et sino-européens dans la nouvelle époque ».

Une occasion pour la Chine d’échanger franchement et amicalement avec un pays ami, dans le contexte de plus en plus tendu provoqué par la guerre d’Ukraine et les fortes turbulences qui secouent l’ordre international.

Le même jour, lors d’une rencontre en marge du sommet du G20 à Bali, le président Xi Jinping avait transmis le même message au président français Emmanuel Macron :

 La Chine n’est pas un rival ou une menace pour la France ou l’Europe, mais plutôt un partenaire et une opportunité. (...) La France doit s’efforcer d’améliorer la situation de la Chine au sein de l’UE », fortement dégradée par une couverture médiatique négative et par l’interférence de tiers, « afin que l’UE continue à appliquer une politique indépendante et positive à l’égard de la Chine. (...) La France et l’Europe doivent rejeter la logique d’affrontement entre blocs ». Enfin, dans la période de turbulences que nous connaissons, la Chine et la France, la Chine et l’Europe, doivent continuer, avec un esprit d’indépendance (...) à contribuer à la stabilité et aux énergies positives du monde. 

Signe que la relation est toujours forte en France, le discours d’ouverture de l’ambassadeur chinois Lu Shaye, consacré au rapport du Président Xi Jinping au XXe congrès du PCC (voir ci-dessous), fut suivi d’interventions de personnalités du monde politique, diplomatique et économique français, ouvertes au dialogue.

Parmi elles, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, l’ancien ambassadeur de France en Chine, Maurice Gourdault-Montagne, l’ancien directeur de la division Asie-Pacifique d’EDF, Hervé Machenaud, et l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, toujours « Monsieur Chine » pour Emmanuel Macron. Deux experts sur la Chine ont participé également : Jean François di Meglio de l’Asia Centre, et Jean Paul Tchang, spécialiste de l’économie chinoise, président de WST and Partners.

Dialogue franc et amical

De gauche à droite : Son excellence, Lu Shaye, Maurice Gourdault-Montagne, Hervé Machenaud et Jean Paul Chang.

Hubert Védrine a, le premier, exprimé le dilemme de l’Occident face à ce « phénomène sans précédent » qu’est la montée de la Chine.

Compte tenu de la puissance de la Chine et de son affirmation, vous devez comprendre que les États-Unis et l’Europe se demandent, ‘qu’est-ce que ça veut dire pour nous ?’ (…) Si la volonté de la Chine est d’être indépendante de tous les pays au niveau technologique, quel usage va-t-elle en faire Les entreprises étrangères se demandent quel sera leur sort en Chine. Seront-elles dépassées, prise sous contrôle, remplacées ? (...) Quels sont les domaines dans lesquels elle considère qu’elle aura quand même besoin, pendant un certain temps, de partenaires occidentaux ? » s’est-il interrogé au micro de Mandarin TV. « Beaucoup d’entreprises européennes seront contentes de continuer à travailler en Chine, si les conditions sont correctes. 

Distinguer entre nos intérêts et ceux des Etats-Unis

Pour Maurice Gourdault-Montagne, « il s’est passé des choses importantes au XXe Congrès, et c’est important d’entendre ce que la Chine a à dire et qu’elle entende les questions que nous nous posons et la manière dont nous voulons continuer des collaborations avec ce pays qui, jusqu’ici, ont été fructueuses ».

Dans son rapport au XXe Congrès, Xi Jinping a garanti la protection des intérêts étrangers et annoncé que la liste négative qui classe les activités économiques restreintes ou interdites aux étrangers, serait encore réduite. Il faut profiter de cette ouverture du dialogue, a-t-il ajouté, car la Chine est aussi un pays de droit et de procédure. (...) Ce qui impressionne beaucoup les Européens, c’est que la Chine est devenue un pays moderne qui a éradiqué la pauvreté pour 700 millions de Chinois. Il y a encore du travail à faire et ce qui nous intéresse est que la Chine le fasse en coopération avec le reste du monde. (…) Nous dépendons les uns des autres et le succès des uns sera celui des autres.

Quant aux tensions entre les Etats-Unis et la Chine, pour cet ancien Secrétaire général du Quai d’Orsay, il faut clairement distinguer entre nos intérêts et ceux des Etats-Unis, un point de vue qu’il a décliné au cours de ses différentes prises de parole.

« Il faut reprendre nos esprits, et admirer la Chine telle qu’elle est, avec nos propres yeux et nos propres intérêts, qui ne sont pas toujours ceux de nos partenaires euro-atlantiques. Quel est le rôle de la France dans la compétition sino-américaine ? Nous ne sommes pas d’accord avec nos alliés traditionnels, car on ne peut pas être la variable d’ajustement. La solution est d’être une force constructive. Il n’y a pas de conflit géostratégique entre l’Europe et la Chine, mais entre les Etats-Unis et la Chine. En matière de haute technologie - le quantique, le cyber - il y a des rivalités, mais on peut aboutir à un accord entre la Chine et l’Europe sur l’espace et dans ce contexte, organiser le développement mutuel des technologies. »

Gourdault-Montagne n’est pas inquiet « sur les relations franco-chinoises. La France lutte parallèlement contre les hégémonies, mais avec ce que Kissinger appelle une culture de compromis. 23 pays sur 27 de l’UE appartiennent à l’Otan, est-ce que l’Otan a vocation à assurer la sécurité mondiale ? Non ».

Il a par ailleurs exprimé sa tristesse devant l’offensive contre les Instituts Confucius en Europe, car « dans le monde, il est impératif d’apprendre la langue de l’autre ». Une offensive, ajouterons-nous, qui nous vient de la Société Henry Jackson de Londres…

France-Chine, « atomes » crochus

Hervé Machenaud a fait état de la coopération exemplaire entre la France et la Chine dans le développement de l’énergie nucléaire depuis 1984, un des trop rares cas où un pays développé a partagé réellement sa technologie de pointe avec un pays en développement. La coopération s’est si bien déroulée, a-t-il dit, que les équipes d’ingénieurs français et chinois (1500 ingénieurs pour la partie chinoise), qui devaient à l’origine travailler séparément, ont décidé de se fondre en une seule équipe, pour cette grande aventure.

Dans la deuxième partie du forum, des PDG de multinationales françaises installées en Chine et d’entreprises chinoises travaillant en France ont raconté leurs « success stories ».

Parmi eux Jean-Paul Agon, président du conseil d’administration de L’Oréal, Thierry de La Tour D’artaise, président du groupe SEB, Phan Nhay, conseiller chez Bank of China Paris, et Liu Sheng, président et administrateur de Caocao Mobility Paris. L’activité en Chine de L’Oréal, numéro un mondial des cosmétiques, représente 65 % de son résultat global.

La clé d’une bonne coopération avec la Chine, ont souligné toutes ces personnalités, réside dans les relations personnelles de confiance entre les dirigeants chinois et français d’abord, puis entre les groupes, et enfin, entre les nations.

L’ambassadeur de Chine présente le Rapport du président Xi Jinping au XXe Congrès

(version intégral du rapport ici)

En introduction au Forum, l’ambassadeur de Chine, Lu Shaye, a voulu partager la quintessence de l’important rapport présenté le président Xi Jinping au XXe Congrès du Parti communiste chinois qui s’est tenu le 16 octobre dernier, explication tout à fait utile pour tous ceux qui coopèrent avec la Chine. Nous publions ci-dessous des extraits de sa présentation, disponible en entier sur le site de l’Ambassade de Chine. Il est revenu sur les accomplissements des 5 et 10 dernières années, ainsi que sur la question, soulignée dans le rapport, de l’importance pour le PCC de s’inspirer d’un marxisme « sinisé », c’est-à-dire répondant concrètement aux problèmes de la Chine d’aujourd’hui, pour atteindre les objectifs du deuxième centenaire que s’est fixé le Parti : être un grand pays socialiste moderne, beau, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé d’ici 2049.

(Le rapport intégral du président Xi Jinping, de 73 pages, peut être trouvé ici.)

L’ambassadeur Lu Shaye :

Premièrement, le XXe Congrès a dressé un bilan global de notre travail durant les cinq dernières années, et des grandes transformations réalisées par la Chine au cours des dix années écoulées de la nouvelle ère. Ces cinq dernières années, nous avons fait face à une conjoncture internationale difficile et complexe (…). En particulier, nous avons apporté une réponse efficace à l’épidémie de la COVID-19 ; nous avons rétabli la stabilité à Hong Kong ; nous avons mené, sans aucune hésitation, des luttes importantes contre les activités sécessionnistes des partisans de l’« indépendance de Taïwan (...).

Au cours de la dernière décennie, nous avons célébré le centenaire de la fondation du PCC, témoigné de l’entrée dans la nouvelle ère du socialisme à la chinoise, et accompli la tâche historique qui consiste à éradiquer la pauvreté et à réaliser l’objectif du premier centenaire, soit le parachèvement de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance. (...)

Par exemple, près de 100 millions d’habitants ruraux sont sortis de la pauvreté (...). Le PIB chinois est passé de 54000 milliards de yuans à 114 000 milliards de yuans, et sa part dans l’économie mondiale est passée de 11,3 % à 18,5 %, ce qui l’installe solidement à la deuxième place dans le monde.

La Chine est au premier rang mondial en termes de production totale de céréales, de la taille de l’industrie manufacturière, de réserves de devises, de nombre de chercheurs et de volume global du commerce de marchandises.

Nous avons construit les plus grands réseaux de trains à grande vitesse et d’autoroutes dans le monde et établi les plus grands systèmes du monde en matière de protection sociale et dans les domaines éducatif, médical et sanitaire.

Nous avons renforcé continuellement la recherche fondamentale et l’innovation originale et réalisé des percées dans certaines technologies clés et technologies de base. La Chine est passée du 34e au 11e rang dans le classement de l’indice mondial de l’innovation. L’espérance de vie moyenne a atteint 78,2 ans, dépassant pour la première fois les États-Unis. (...)

Deuxièmement, le XXe Congrès a exposé en profondeur la question de l’ouverture de nouveaux horizons pour la sinisation et l’actualisation du marxisme. (…) C’est en guidant la révolution, le développement et la réforme par la théorie marxiste que le PCC a réussi.

Or, on se demande : comment le marxisme, une théorie d’origine occidentale née dans l’Europe du XIXe siècle, a-t-il pu prendre racine et porter ses fruits sur le sol de l’Orient aux XXe et XXIe siècles ? C’est parce que dès le début, le PCC a combiné les principes fondamentaux du marxisme avec les réalités de la Chine, et avec le meilleur de sa culture traditionnelle. (...) La conception de l’univers, du monde, de la société et de la morale dans la culture traditionnelle chinoise s’accorde parfaitement avec des valeurs socialistes scientifiques. (...)

Le rapport du XXe Congrès a distillé la conception du monde et la méthodologie de cette pensée, à savoir : sauvegarder la primauté du peuple, avoir confiance en soi et compter sur ses propres forces, savoir innover tout en maintenant les principes fondamentaux, se concentrer sur les problèmes à résoudre, adopter une approche systémique, et avoir à cœur le monde entier. Voilà les buts et principes suivis par le PCC dans l’exercice du pouvoir et le secret du succès du socialisme aux caractéristiques chinoises.

Troisièmement, (...) le secrétaire général Xi Jinping a déclaré solennellement qu’à partir de maintenant, le PCC a pour tâche centrale d’unir et de conduire le peuple chinois multiethnique pour réaliser l’objectif du deuxième centenaire, soit faire de la Chine un grand pays socialiste moderne dans tous les domaines.

(...). À cette fin, le XXe Congrès a pris des dispositions stratégiques en deux étapes : réaliser pour l’essentiel la modernisation socialiste de 2020 à 2035, et faire de la Chine un grand pays socialiste moderne, beau, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé de 2035 au milieu du siècle. Le Congrès a également défini les objectifs généraux de développement de notre pays d’ici 2035.

Le concept de « modernisation chinoise » avancé par le Congrès a fait l’objet d’une attention générale. La modernisation chinoise est une modernisation socialiste sous la direction du PCC. Elle partage des points communs avec la modernisation des autres pays, mais possède aussi, et surtout, des caractéristiques chinoises basées sur les réalités concrètes de notre pays.

Un, la modernisation chinoise se caractérise par la grande taille de sa population. La Chine compte plus de 1,4 milliard d’habitants, soit trois fois la population de l’UE et quatre fois celle des Etats-Unis. Faire en sorte que la population chinoise dans son ensemble accède à une société plus moderne constitue une tâche d’une difficulté et d’une complexité sans précédent, et implique inévitablement des voies de développement et des moyens d’y parvenir qui ont leurs propres caractéristiques.

Deux, la modernisation chinoise se caractérise par la prospérité commune du peuple tout entier.?Réaliser la prospérité commune est l’exigence essentielle du socialisme à la chinoise. Un adage de la Chine antique dit :

Ce qui doit préoccuper le plus les hommes politiques, ce n’est pas le manque de richesses mais les inégalités.? » C’est une idée importante de la culture traditionnelle chinoise et le meilleur exemple de la manière dont le marxisme s’accorde avec la culture traditionnelle chinoise.

Il est à souligner que la prospérité commune dont nous parlons n’est pas l’égalitarisme, et encore moins « dépouiller les riches pour donner aux pauvres ». Elle ne peut pas non plus se réaliser du jour au lendemain. La prospérité commune dont nous parlons, c’est défendre et promouvoir l’équité et la justice sociales dans le processus du développement économique, afin d’éviter la polarisation sociale.

La troisième caractéristique de la modernisation chinoise réside dans l’équilibre entre la civilisation matérielle et spirituelle.Le socialisme n’est pas synonyme de pénurie de biens matériels ni de pauvreté d’esprit. Il faut promouvoir la richesse matérielle abondante en même temps que le plein épanouissement de l’homme.

Quatre, la modernisation chinoise se caractérise par une coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature. Nous persévérerons dans une voie de développement permettant de favoriser à la fois le progrès de la productivité, le bien-être de la population et la préservation de l’environnement, afin d’assurer le développement pérenne de la nation chinoise. Enfin, la modernisation chinoise se caractérise par la poursuite de la voie du développement pacifique. Nous rejetons résolument l’ancienne route empruntée par certains pays pour réaliser leur modernisation à travers la guerre, la colonisation et le pillage. Nous veillons à ce que la sauvegarde de la paix et du développement dans le monde permette d’assurer le développement de la Chine, et à ce que le développement de la Chine profite, à son tour, à la sauvegarde de la paix et du développement dans le monde.

Et quatrièmement, le XXe Congrès a élu un nouveau Comité central du Parti avec le camarade Xi Jinping comme noyau dirigeant. C’est le résultat politique le plus important du XXe Congrès. La réélection de Xi Jinping au poste de secrétaire général du Comité central du PCC répond à l’aspiration générale du peuple chinois et aux attentes communes des 96 millions de membres du Parti. Le PCC a confirmé la position centrale du camarade Xi Jinping au sein du Comité central et du Parti et établi sa pensée sur le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère en tant que pensée directrice qu’il faut maintenir sur le long terme. Telle est la raison fondamentale des succès spectaculaires de la Chine au cours de la dernière décennie. (...)

Mesdames et Messieurs, chers amis,

(…) En tant que grand pays dont la population et la puissance économique représentent respectivement près d’un cinquième du total mondial, la Chine ne peut se passer du monde pour son développement, et vice versa.

Où va la Chine ?? Quelle voie empruntera-t-elle ? La réponse a un impact important sur le monde.