80 % des artisans boulangers menacés de disparition

mercredi 14 décembre 2022, par Karel Vereycken

Voilà le titre d’un article publié le 7 décembre sur le site de la revue économique Capital.

La réalité vient brutalement troubler nos petits-déjeuners.

Alors que la baguette française vient d’être classée au patrimoine mondial de l’Unesco (ça ne mange pas de pain...), des milliers d’artisans boulangers risquent de fermer début 2023.

En Ukraine ? Non, en France. « Un tsunami nous attend », prévient une boulangère toulousaine.

Dans l’héxagone, leur nombre est passé de 55 000 en 1970 à environ 33 000 aujourd’hui. Elles détiennent 55 % de parts de marché du pain. À titre de comparaison, l’Allemagne comptait également 55 000 petits commerces il y a une cinquantaine d’années. Aujourd’hui, elle n’en compte plus que 14 000, avec une part de marché de 11 %.

Le pire est encore à venir car dès janvier prochain, le boulanger verra sa facture d’électricité multipliée par 4 ou 5. D’autres factures peuvent même être multipliées par 12 ! Il s’agit d’une augmentation de 50% des matières premières en moyenne : 45% pour la farine, plus de 100% pour le beurre, 30% pour la crème fraîche, sans compter les œufs, le lait, le sucre et le sel.

Pris à la gorge, nos artisans-boulangers affichent des avis de décès sur leurs vitrines détaillant la « longue agonie » de la boulangerie-pâtisserie artisanale et les causes de sa mort imminente : 

  • +84% d’augmentation moyenne pour l’électricité
  • +86% d’augmentation moyenne pour le gaz
  • +52,5% sur le beurre
  • Montée en puissance des chaînes de boulangerie
  • Des charges de plus en plus étouffantes
  • Difficulté de recruter de nouveaux collaborateurs. 

Un autre boulanger relate qu’à partir du 1er janvier 2023, le kWh passera de 9,672 € à 57,845 €.

Traduire cette hausse des coûts des matériaux en prix à la consommation reviendrait à vendre une baguette entre 7 et 10 euros la pièce (alors qu’aujourd’hui son prix varie entre 1 et 1,2 euro) !

Outre les boulangers, c’est toute la filière du pain qui est touchée. Il y a quelques semaines, l’Association nationale des meuniers de France mettait en garde contre cette « hausse drastique des coûts de l’électricité, qui suit celle du blé », une hausse qui « constitue une menace sans précédent pour la rentabilité de la meunerie française ».

Ces coûts s’ajoutent à la nécessité d’augmenter les salaires, alors que le secteur de la boulangerie manque de main-d’œuvre sans oublier la hausse des prix du papier – nécessaire pour emballer les baguettes mais également un secteur en crise. L’ensemble des hausses seront inévitablement répercutées sur des consommateurs qui se détourneront des artisans boulangers pour acheter du pain « industriel » en supermarché.

Dès maintenant, pour réduire leurs coûts, les boulangers licencient leur personnel tout en faisant appel à leurs parents âgés ou d’autres membres de la famille pour les remplacer à titre gratuit.

Jusqu’à présent, en France, les boulangers, petits meuniers et bouchers - ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire protecteur mis en place par le gouvernement pour aider les entreprises. Pour les artisans, seuls des « prix justes » peuvent les sauver. Cependant, pour les payer, il faut que l’ensemble des Français puisse avoir lui aussi un « salaire juste ».

« Aujourd’hui, plusieurs pays européens comme la Pologne, l’Espagne ou le Portugal ont réussi à réguler les prix de l’énergie. Pourquoi pas nous ? Et s’ils ne le font pas, qu’ils étendent au moins le bouclier tarifaire », affirment les boulangers.

Face aux critiques récurrentes de ces commerçants sur l’insuffisance des aides pour payer les factures d’énergie, Bruno Le Maire a annoncé la prolongation en 2023 du « guichet électricité » à destination des PME, qui devait initialement prendre fin en 2022. « Cela représentera un allègement jusqu’à 35 % de la facture », a indiqué le ministre de l’Economie. Ils n’ont qu’à vendre des tiers de baguettes ?

Dans d’autres pays européens consommateurs de pain, la situation n’est guère meilleure. Début septembre, les boulangers allemands ont manifesté en servant leurs clients dans le noir pendant une journée. La même chose s’est produite en Belgique en octobre.

La solution, comme S&P ne cesse de le souligner, dépasse de loin chaque secteur professionnel particulier. Ce n’est qu’en mettant fin au conflit en Ukraine et en jetant les bases d’une nouvelle architecture de développement et de sécurité indivisible, qu’on puisse assainir la situation de façon durable.

S’il n’y a pas de changement à ce niveau, chacun ce rendra compte que ce gouvernement a mangé son pain blanc. Le problème c’est que c’est le nôtre !