ONU : quand le « Monde libre » s’oppose à une résolution contre la glorification du nazisme

lundi 19 décembre 2022

Chronique stratégique du 19 décembre 2022 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

La résolution contre la glorification du nazisme, que la Russie présente chaque années à l’Assemblée générale des Nations unies, a été rejetée le 15 décembre par un nombre sans précédent de 52 nations, dont l’ensemble des pays de l’Union européenne et des pays membres de l’Otan.

Depuis 2012, la Fédération de Russie soumet chaque année un projet de résolution devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) contre la glorification du nazisme, exhortant à la vigilance face aux formes modernes de la xénophobie et de la réhabilitation du IIIe Reich. Le texte de cette année s’intitule « Lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ».

Alors que chaque année la résolution était très largement votée par l’Assemblée, cette fois-ci 52 pays ont voté contre : les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, les États membres de l’UE, la Géorgie, le Japon et les pays baltes. 105 pays ont voté pour, dont l’Inde, la Chine, la Serbie, Israël, ainsi qu’une majorité de pays d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes.

La résolution appelle les membres à prendre des mesures concrètes « y compris dans le domaine de la législation et de l’éducation, conformément à leurs obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme, afin d’empêcher la révision de l’histoire et des résultats de la Seconde Guerre mondiale et la négation des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Parmi les coauteurs de la résolution figurent l’Afrique du Sud, le Soudan, la Syrie, le Vietnam, le Venezuela, la Guinée équatoriale, le Laos, le Mali, le Pakistan, l’Azerbaïdjan, le Cambodge, la République centrafricaine, Cuba et la Corée du Nord. Il ne s’agit donc pas d’une initiative exclusivement russe, contrairement à ce qu’affirment les chiens de gardes de la bien-pensance occidentale, qui accusent la Russie de faire une exploitation politique de cette question.

Ce vote constitue un revirement important ; d’autant que les résolutions de l’Assemblée générale sont à portée purement déclarative et sont, donc, non contraignantes. L’année dernière, seuls deux pays avaient voté contre ce texte, à savoir les États-Unis, qui s’y opposent systématiquement, et l’Ukraine (jusqu’à l’an dernier, la France, ne voulant pas froisser ses « amis » de l’Otan, se contentait de s’abstenir).

Le représentant de la Fédération de Russie a qualifié le vote de « choquant », car pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, les « anciennes puissances de l’Axe » — l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et l’Espagne (ajoutons la France) — ont voté contre une résolution condamnant le nazisme.

Les débats autour la résolution, qui se sont déroulés au sein de la troisième commission (sociale, humanitaire et culturelle) de l’AGNU, ont été houleux. Les nations occidentales ont tenté de modifier le paragraphe 4 de la résolution, pour en faire une condamnation de la Russie pour son opération militaire spéciale en Ukraine, ce que le représentant de la Chine a dénoncé comme une tentative de rendre la résolution spécifique à un pays, a rapporté le ReliefWeb de l’ONU. La Chine a également rejeté les efforts visant à « déformer l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ».

De son côté, le délégué ukrainien a accusé les Russes d’être les véritables fascistes, les accusant de commettre des atrocités et des exécutions sommaires de civils. « C’est le fascisme d’aujourd’hui, la glorification du nazisme exécutée par la Fédération de Russie », s’est-il emporté. Le représentant américain est intervenu pour affirmer que la résolution russe n’était pas un effort sérieux pour condamner le nazisme ou l’antisémitisme, mais un « stratagème honteux » pour justifier sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

Une déclaration qui ne manque pas de culot, quand on sait que le gouvernement ukrainien autorise depuis plusieurs années les manifestations publiques à la gloire des anciens collaborateurs nazis ; que, au lendemain du coup d’État de 2014, le nouveau régime a décidé de rebaptiser la longue avenue de Moscou en « avenue Bandera », dont les fidèles ont assisté les nazis dans l’extermination de plus de 30 000 juifs en septembre 1941, dans le ravin de Babi Yar, où mène l’avenue ; ou encore que les membres du bataillon Azov, dont les tatouages, uniformes et drapeaux sont recouverts de références nazies, sont intégrés à l’armée ukrainienne et considérés comme de véritables héros, etc. Et la liste est loin d’être exhaustive...

La réalité est que les pays du « Monde libre » se sont tellement laissés engluer dans la mentalité de nouvelle guerre froide de l’Otan, qu’ils sont devenus incapables de déjouer le récit grossièrement binaire du « bien contre le mal » – les démocraties libérales contre les autocraties et dictatures – fabriqué par le complexe militaro-financier anglo-américain avec l’appui des médias.

Au point d’envoyer des armes à des combattants ouvertement néonazis et de rejeter une résolution contre la glorification du nazisme à l’ONU !

A lire aussi

Comment les néo-nazis en Ukraine ont contraint Zelensky

Vous venez de lire notre chronique stratégique « Le monde en devenir ». ABONNEZ-VOUS ICI pour la recevoir sans limitation. Vous aurez également accès à TOUS les dossiers de ce site (plus de 400 !)...