Pour sauver son système, l’Occident global mise sur la guerre

lundi 6 février 2023

Chronique stratégique du 6 février 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

En Union européenne, tout État membre voulant emprunter de l’argent doit subir des inspections intrusives, mettre en œuvre des « réformes structurelles », sabrer les retraites et la santé et renoncer à sa souveraineté fiscale. Mais s’il s’agit de faire la guerre, on aura de l’argent à volonté, sans contrôle en contrepartie, qu’on soit membre de l’Union ou pas — à condition que la guerre serve les objectifs géopolitiques de Bruxelles.

Voilà la leçon à tirer de ces douze mois de guerre en Ukraine. Au cours de cette période, les institutions de l’UE (sans compter les États membres individuels) ont accordé au régime de Kiev plus de 35 milliards d’euros, dont une bonne partie s’est retrouvée dans les poches de responsables gouvernementaux et militaires, comme le montrent les scandales dévoilés récemment (le 23 janvier, un certain nombre de hauts fonctionnaires ont en effet de démissionné sur fond d’accusations de corruption généralisée, dont le vice-ministre de la Défense et le vice-ministre des Infrastructures...).

Ce n’est un secret pour personne que l’Ukraine figure parmi les pays les plus corrompus au monde. L’ancien ministre polonais des Affaires étrangères et de la Défense, Rados ?aw Sikorski, estime même que c’est ce qui a empêché l’Ukraine d’atteindre la prospérité économique, en dépit d’une longueur d’avance sur d’autres. Après l’effondrement de l’Union soviétique, a déclaré Sikorski, l’Ukraine disposait d’atouts considérables, avec « des centrales nucléaires, une industrie aéronautique, aucune dette et les terres les plus fertiles au monde ». Et pourtant, au moment où la Russie a lancé son opération militaire spéciale le 24 février 2022, Kiev « avait un PIB quatre fois inférieur à celui de la Pologne ».

Apparemment, ce n’est pas un problème pour l’UE. Cette dernière institutionnalise même son aide à Kiev sous forme de ce que le Premier ministre Denys Shmyhal a appelé un « Ramstein financier » (en référence à la base militaire américaine en Allemagne). Il s’agit d’une version améliorée de la Plate-forme de coordination des donateurs pour l’Ukraine, dont le comité directeur s’est réuni le 27 janvier pour discuter de régulariser les versements de fonds à Kiev afin de maintenir les opérations courantes du gouvernement. Selon Shmyhal, la Plate-forme a pour principaux objectifs de fournir un soutien budgétaire prévisible et régulier en 2023, planifier et assurer le début du « redressement » du pays, avec la reconstruction des logements endommagés et des infrastructures vitales et sociales, et de coordonner les instruments financiers destinés à soutenir l’économie et le secteur privé (assurance contre les risques de guerre pour investisseurs, partenariats public-privé, aide au financement de projets des PME).

La triste ironie est que l’UE et ses États membres, de même que les États-Unis et le Royaume-Uni, donnent d’une main de l’argent et des armes pour prolonger la guerre et la destruction, et de l’autre, des fonds (pour l’instant de simples promesses) pour la reconstruction. Dans les deux cas, l’argent revient aux donateurs, que ce soit les équipementiers de défense, les géants industriels ou les fonds vautours.

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Les « donateurs » ne le cachent d’ailleurs pas. La ministre canadienne des Finances Chrystia Freeland avait déclaré à Davos que le financement de la machine de guerre ukrainienne donnerait « un énorme coup de pouce à l’économie mondiale ». Volodymyr Zelensky lui-même a invité le « business américain », le 23 janvier, à « devenir la locomotive qui fera avancer la croissance économique mondiale ». Montrant bien qu’il ne s’agit nullement d’investir dans l’économie réelle, il a expliqué que « nous avons déjà réussi à attirer l’attention sur nous et à établir une coopération avec des géants du monde international de la finance et de l’investissement tels que BlackRock, JP Morgan et Goldman Sachs ».

Ainsi, les centaines de milliards envoyés à l’Ukraine sous forme d’aide et d’équipements militaires seront soigneusement contrôlés par les oligarques de Wall Street...

Vantant les opportunités offertes en Ukraine, Zelensky a ajouté que « tout le monde peut faire de grosses affaires en travaillant avec l’Ukraine, dans tous les secteurs : de l’armement et de la défense à la construction, de la communication à l’agriculture, du transport à l’informatique, des banques à la médecine. »  

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