Moscou se prépare à une attaque américaine et le fait savoir

lundi 6 mars 2023

Chronique stratégique du 6 mars 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Une revue militaire associée au ministère russe de la Défense, relayée par l’agence de presse TASS, vient de publier un article expliquant la stratégie élaborée par Moscou pour parer une éventuelle attaque globale des États-Unis qui viserait à anéantir les capacités nucléaires russes.

L’article a été publié le 2 mars dans la revue professionnelle militaire du ministère russe de la Défense, Pensée militaire. Il rapporte que la Russie élabore un nouveau type d’opération militaire impliquant ses capacités nucléaires pour parer à d’éventuelles attaques américaines. Selon l’article, les États-Unis planifient la « défaite » de la Russie par le biais d’une « opération stratégique (globale) multi-sphère », rapporte l’agence de presse TASS.

Washington considère que l’objectif final de cette opération est la destruction du potentiel de dissuasion nucléaire de la Russie, ce qui peut être réalisé par le déploiement de systèmes de boucliers antimissiles autour des frontières russes ou par une frappe nucléaire mondiale rapide pouvant anéantir 65 à 70 % des forces nucléaires stratégiques de la Russie. Rappelons qu’en octobre dernier, le sous-marin lanceur de missiles balistiques de classe Ohio, l’USS West Virginia, a fait surface en mer d’Oman, à environ 3 000 km de deux bases ICBM situées dans le sud de la Russie. Il s’agissait bien d’un message de ce type.

« Les spécialistes militaires nationaux considèrent et travaillent activement à l’élaboration d’une forme avancée d’utilisation des forces armées russes — une opération de force de dissuasion stratégique — en tant que principal moyen et outil pour contrer les tentatives du Pentagone de mener à bien ses intentions agressives de destruction de la Russie », écrivent les auteurs, toujours selon l’agence TASS. Loin d’être des scribouilleurs du dimanche spéculant dans le vide, les auteurs sont identifiés comme étant le premier commandant adjoint des forces de missiles stratégiques, le lieutenant-général Igor Fazletdinov et le colonel à la retraite Vladimir Lumpov.

Les efforts de la Russie pour atteindre les objectifs les plus décisifs de mise en déroute de l’agresseur impliquent l’utilisation d’armements stratégiques offensifs et défensifs, nucléaires et conventionnels avancés, basés sur les dernières technologies militaires, indiquent les auteurs. Le déclenchement d’une agression, par les Etats-Unis, peut être évité si la Russie démontre, de manière convaincante, qu’elle est capable de contenir au moins l’une des étapes de l’opération stratégique multi-sphère de l’OTAN.

Un article du journal russe Izvestia fournit davantage d’informations. En réponse à l’objectif attendu des États-Unis de détruire 65 à 70 % du potentiel stratégique de la Russie, la Fédération de Russie a proposé de développer une nouvelle forme d’utilisation des forces armées russes appelée Opération des forces de dissuasion stratégique (« Operatsiya strategicheskikh sil sderzhivaniya » ou OSSS), rapporte Izvestia. « Dans ce cadre, des armes stratégiques offensives modernes non nucléaires devront être utilisées ».

Selon Fazletdinov et Lumpov, l’OSSS a trois objectifs :

  1. repousser une frappe nucléaire des États-Unis et de l’alliance de l’OTAN afin d’éviter de grandes pertes des forces stratégiques offensives des forces armées de la Fédération de Russie ;
  2. la destruction du système de défense antimissile américain, afin que les missiles russes ne soient pas détruits en l’air ;
  3. Une frappe nucléaire sur la partie américaine afin de lui infliger des dommages inacceptables.

Autrement dit, le message est le suivant : « Nous avons les capacités de répondre à une agression des États-Unis et nous y sommes prêts ».

Le jour-même de la publication de l’article, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov, dans une allocution adressée à la Conférence du désarmement à Genève, a fait valoir que le refus des États-Unis à ratifier le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) démontre l’intention des États-Unis de reprendre les essais nucléaires. « La situation concernant le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires suscite de plus en plus d’inquiétude, a-t-il déclaré. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester spectateurs inactifs de ce qui se passe. Si les États-Unis décident néanmoins de prendre une telle mesure et d’être les premiers à procéder à des essais nucléaires, nous serons obligés de réagir de manière proportionnée. Personne ne devrait avoir l’illusion dangereuse que la parité stratégique mondiale peut être bouleversée ».

Tout cela montre, si besoin était, l’extrême urgence de la réouverture des négociations de paix, avec en ligne de mire l’initiative mondiale de l’Institut Schiller pour la création d’une nouvelle architecture de sécurité et de développement.

Comme nous l’avons rapporté sur ce site, le vent est en train de tourner dans ce sens, sous l’impulsion combinée des propositions de médiation du Vatican, du Brésil de Lula, et dernièrement de la Chine, et du soulèvement des populations occidentales, en particulier en Allemagne, aux États-Unis, en France et en Italie. Les révélations de Seymour Hersh sur le sabotage des gazoducs Nord Stream par Washington, faites le 10 février dernier, agissent comme une onde de choc qui alimente cette dynamique.

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