Silicon Valley Bank (SVB) : comment Biden et la Fed vont aggraver la panique bancaire

mercredi 15 mars 2023

Chronique stratégique du 15 mars 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Vendredi dernier, la Silicon Valley Bank (SVB) a été mise en faillite par l’autorité financière américaine. Avec 212 milliards de dollars d’actifs, cette banque figurait parmi les 20 premières banques américaines. Il s’agit de la plus grande faillite bancaire américaine depuis celle de Washington Mutual (328 milliards de dollars d’actifs) au cours du mois fatidique de septembre 2008. « Tout va bien, il n’y a pas de krach, on garantit les dépôts », assure Joe Biden. Pas sûr que ces paroles rassurantes aient l’effet voulu...

Le spectre de l’effondrement financier a de nouveau frappé. Les péchés de Wall Street et de la City de Londres après le krach de 2008 – le rejet de l’option du Glass-Steagall et du New Bretton Woods de LaRouche, afin de maintenir les taux de change flottants et les profits que leur rapporte la spéculation sur les fluctuations, et le renflouement gargantuesque par l’intermédiaire des banques centrales de la sphère de la spéculation financière – sont revenus hanter les consciences, comme en septembre 2009.

Une fois de plus, on insiste hystériquement sur le fait qu’il s’agirait d’une simple « crise de liquidités », alors qu’il s’agit en réalité d’une « crise de solvabilité » systémique nécessitant une réforme structurelle de l’ensemble du système financier mondiale comme Mme Helga Zepp-LaRouche le souligne dans son appel du 14 mars.

En quatre jours, trois banques américaines « valant » 400 milliards de dollars d’actifs ont fait faillite ; une quatrième, la First Republic Bank en Californie, vacille. Lundi, les prêts interbancaires transatlantiques étaient à nouveau « sous pression », d’après une brève tremblotante de Reuters, et les swaps sur défaut de crédit sur les obligations des banques deviennent plus chers.

La Fed dans son rôle de pompier pyromane

Pendant que Joe Biden faisait le service après-vente en tentant de rassurer les millions de petits porteurs, le Trésor américain et la Federal Deposit Insurance Corp (FDIC, l’agence américaine de garantie des dépôts) ont pris une mesure dans l’après-midi du dimanche 12 mars allant à l’encontre de la loi américaine [1]. Dans le même temps, la Réserve fédérale (Fed) en a pris une autre, destinée, une fois de plus, à corriger avec la seule « planche à billets » (numérique) ce que la Fed elle-même détruit avec ses politiques de taux d’intérêt.

Il s’agissait, pour citer l’annonce de la Fed dimanche soir, « d’un programme de financement à terme bancaire (BTFP), offrant des prêts d’une durée maximale d’un an aux banques, aux associations d’épargne, aux coopératives de crédit et à d’autres institutions de dépôt éligibles mettant en gage des bons du Trésor américain, des titres de créance d’agence et des titres adossés à des créances hypothécaires, et d’autres actifs admissibles en garantie ». Il convient de noter que « ces actifs seront évalués au pair », et non à leur valeur marchande réduite dans un contexte de forte hausse des taux d’intérêt. « Le BTFP sera une source supplémentaire de liquidités contre les titres de haute qualité, éliminant ainsi la nécessité pour une institution de vendre rapidement ces titres en période de tension ».

Ce fonds de liquidités d’urgence aura « jusqu’à 25 milliards de dollars du Fonds de stabilisation des changes [du Trésor] comme filet de sécurité pour le BTFP », précise la Fed. On estime que les banques américaines ont subi une baisse de 700 à 800 milliards de dollars de leur capital en « pertes non-réalisées » en raison des hausses rapides des taux de la Fed ; La Silicon Valley Bank avait environ 16 milliards de dollars de ces pertes lorsqu’elle a fait faillite, parce qu’elle a essayé de vendre une partie de ses bon du Trésor (obligations d’Etat) et d’autres titres impliqués, et les pertes ont été « réalisées ». Le « filet de sécurité » de 25 milliards de dollars du Trésor (par rapport aux 800 milliards de pertes « à venir », est donc risible.

Partie visible de l’iceberg

En septembre-octobre 2019, lorsque la Fed avait également été forcée de procéder à ce type d’injections monétaires, les prêts de liquidité étaient passés du jour au lendemain de quelques milliards de prêts à plus de 100 milliards de dollars chaque nuit, prêtés aux banques pour une période de 90 jours (lire notre chronique du 11 octobre 2019 : Morphine monétaire de la Fed : le « shadow banking » à l’agonie). L’identité des institutions financières illiquides contractant les prêts n’étaient pas divulguées par la Fed à l’époque, mais les banques savaient qui elles étaient et ne leur prêtaient toujours pas. La même chose se produira avec les banques qui se tournent vers la fenêtre de la Fed pour des prêts de liquidité « BTFP », signalant qu’elles doivent vendre des actifs dévalués.

Il s’agit d’un renflouement de facto du système bancaire, en dépit des affirmations des régulateurs et de l’administration Biden sur le fait que l’économie se portait à merveille et qu’il n’y avait rien à craindre, commente l’éditorial du Wall Street Journal lundi. La vérité désagréable – que Washington n’admettra jamais – est que l’échec de la SVB est la facture à payer suite à des années d’erreurs monétaires et réglementaires.

De son côté, le quotidien chinois Global Times cite Li Yong, vice-président du Comité d’experts de l’Association chinoise du commerce international, qui a déclaré dimanche :

La faillite de la SVB montre que la politique monétaire américaine est un échec total. Le resserrement plus rapide que prévu [des taux] par la Fed américaine a créé des turbulences dans le système financier mondial et a finalement nui à son propre système bancaire.

Comme en 2008 et lors des « crises » financières suivantes, les institutions en place commettent l’erreur fatale de ne pas vouloir considérer ces faillites bancaires comme la partie émergée de l’iceberg d’une implosion financière qui touche en réalité l’ensemble du système transatlantique, et qui en appelle non pas à des solutions au coup par coup, ni d’ailleurs à des solutions financières d’aucune sorte, mais au contraire à l’établissement d’un nouveau système – un nouveau Bretton Woods – avec pour précondition la séparation bancaire stricte entre les banques de dépôts et les banques d’affaires – le Glass Steagall. Ainsi, l’économie pourrait être reconstruite sur la base d’un engagement à accroître la richesse physique par l’application de la science, de la technologie et de l’infrastructure à l’amélioration des pouvoirs productifs du travail.

Explication Jacques Cheminade :

17 minutes pour comprendre le lien entre faillite du système financier, inflation et économie de guerre :


[1Car contraire à l’article 11 de la loi fédérale sur l’assurance des dépôts, qui prévoit un maximum de 250 000 $ pour le montant net dû à tout déposant auprès d’une institution de dépôt assurée. Les « exceptions au risque systémique » n’existent pas dans la présente loi.