Travail humain

mardi 21 mars 2023, par Jacques Cheminade

Le travail s’empare des choses et les ressuscite d’entre les morts.
Karl Marx

L’Assemblée nationale vient de rejeter à neuf voix près la motion de censure. À un moment déterminant de l’histoire humaine, ce vote et le débat qui l’a précédé expriment l’incapacité de nos élites à prendre la mesure du défi à relever. Un Président de la République passant son temps en tête à tête avec lui-même en engloutissant des notes techniques et un Parlement livré à des partis faisant passer leurs positionnements avant l’intérêt général, nous enfoncent dans le déni de réalité. La réalité ? C’est une oligarchie dont l’ordre financier prédateur est en voie d’effondrement, et qui met en place une économie de guerre. Guerre sociale contre le peuple et guerre tout court, menées à haute intensité dans un monde qui réarme à tout va.

Le mépris et la destruction du travail humain sont la conséquence de la domination de cette oligarchie. La contre-réforme des retraites est le reflet social de ce mépris et de cette destruction. Notre combat doit donc être maintenu sur le sujet lui-même et élargi à la dimension du monde à bâtir pour échapper au pire. Les syndicats ont mené le combat social qui est le leur dans la justice et la dignité, suivant le principe de la Charte d’Amiens. À nous de mener le nécessaire combat politique, sans ingérence arrogante dans le leur, ni tentation d’une violence que le gouvernement se prépare à exploiter par le même chantage à l’ordre public auquel Christophe Castaner et consorts ont eu recours pour bâillonner provisoirement le mouvement des Gilets jaunes. Notre défi est de sortir par le haut du cycle provocation/répression.

Nous avons une arme : le Préambule de 1946 de notre Constitution, qui comporte, outre le droit de grève et la liberté syndicale, le droit à la participation et à la détermination collective des conditions de travail, la nationalisation des services publics, la protection de la santé, l’accès de tous à l’éducation et le droit pour chacun de travailler et d’obtenir un emploi. C’est d’une brûlante actualité : la liberté et l’action collective des travailleurs. Aux dimensions de ce XXIe siècle, c’est leur nécessaire participation aux décisions économiques et sociales au sein de l’Etat et de l’entreprise. C’est cette participation aux décisions qui permettra de surmonter la situation de soumission qu’implique le salariat. Face à un Parlement qui ne représente aujourd’hui, professionnellement et hiérarchiquement, que moins de 10 % de la population, cette participation est le défi du monde qui vient. Le relever est notre combat, pour lequel nous disposons de tous les moyens techniques de connectivité et d’inclusivité existants, à condition de ne pas sombrer dans la séduction des écrans et des apparences comme instruments de distraction anti-politiques.

En redéfinissant ce qu’est le travail humain : transformer physiquement la nature pour un produit socialement utile et non effectuer une tâche quelconque en échange d’une rémunération. Le travail d’un être humain, c’est l’épanouissement de ses capacités créatrices et non des efforts trop souvent répétitifs pour servir un supérieur.

Devenons acteurs du changement

Je finirais en disant comment un peu d’internationalisme éloigne de la nation et beaucoup y ramène. La justice que réclament les peuples du Sud et de l’Est est de même nature que celle à laquelle notre peuple français a droit. Le basculement du monde qui se déroule aujourd’hui est l’occasion à saisir pour imposer le juste basculement social chez nous.

Saisissons donc l’occasion et devenons acteurs du changement, car nous ne pouvons nous borner à transférer les responsabilités de notre histoire aux institutions et aux partis existants, qui ont contribué à la tragédie que nous vivons ou ont été incapables de l’empêcher.