Poutine dévoile le document de l’accord de paix ukraino-russe saboté en mars 2022

mardi 20 juin 2023

Chronique stratégique du 20 juin 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Lors de sa rencontre le 17 juin à Saint-Pétersbourg avec la délégation pour la paix composée de quatre présidents africains, du premier ministre égyptien et de deux représentants des présidents, le président russe Vladimir Poutine a pour la première fois montré publiquement les documents du projet d’accord de paix négocié à Istanbul entre la Russie et l’Ukraine fin mars 2022, et signé par les deux parties à ce moment-là.

Accord de paix

Le président russe a reçu à Saint-Pétersbourg la délégation africaine, emmenée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa en vue d’amorcer des négociations entre Kiev et Moscou, après que celle-ci a rencontré à Kiev le président ukrainien Zelensky, qui a rejeté son offre de médiation.

Lors de la conférence de presse, actant le refus de Zelensky, Poutine a souligné que la Russie n’avait jamais rejeté les négociations avec l’Ukraine et que les autorités ukrainiennes avaient préalablement signé avec Moscou le projet d’accord préparé à la suite des négociations en Biélorussie. Il a ajouté que les forces russes avaient alors commencé à se retirer, mais que Kiev n’avait pas tenu compte du document, que le président russe a pour la première fois dévoilé au public, devant les dirigeants africains et les médias.

Ce document est un accord de neutralité permanente et de garantie de sécurité. (…) Tout est écrit noir sur blanc, jusqu’au nombre de véhicules et de personnels, a révélé Poutine.

A ce point-ci des négociations, les deux parties étaient disposés à faire d’importantes concessions et une trêve semblait atteignable : Poutine acceptait de renoncer aux exigences de « dénazification » et de désarmement de l’Ukraine, tandis que Zelensky consentait à ne plus demander l’adhésion à l’Otan.

Par la suite, il est devenu notoire que lors de la visite soudaine, début avril 2022, du Premier ministre britannique Boris Johnson à Kiev et au président ukrainien Volodymyr Zelensky, les dirigeants de l’Otan ont insisté pour que l’Ukraine abandonne l’accord de paix et reprenne la guerre, avec la promesse d’un soutien total de l’Alliance atlantique en termes d’armement, de renseignement, d’entraînement et d’argent (lire notre chronique du 9 février).

Rappelons également que le premier round de négociations entre l’Ukraine et la Russie, qui s’était déroulé début mars en Biélorussie, avait été perturbé par l’exécution de l’un des négociateurs ukrainiens, Denys Kireyev, par le SBU, c’est-à-dire le service de sécurité de Kiev.

Initiatives embarrassantes pour le clan atlantiste

La délégation africaine pour la paix comprenait le président de la Zambie, Hakainde Hichilema, le président de l’Union africaine et président des Comores, Azali Assoumani, le président de la République du Sénégal, Macky Sall, et le président de la République d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa ; Premier ministre de la République arabe d’Égypte Mostafa Mabdouli ; le ministre d’État et directeur de cabinet du président de la République du Congo Florent Ntsiba ; et l’envoyé spécial du président de l’Ouganda pour les missions spéciales Ruhakana Rugunda. Du côté russe, outre le président, étaient également présents le ministre des affaires étrangères, Sergey Lavrov, et le conseiller présidentiel, Yuri Ushakov.

« Nous sommes également venus vous écouter et, à travers vous, écouter l’opinion du peuple russe. Nous voulons aussi vous encourager à entamer des discussions avec l’Ukraine afin de mettre fin à cette épreuve », a déclaré Assoumani. « Nous nous sommes engagés dans cette mission parce que malheureusement, en tant qu’Africains, nous avons été témoins de nombreux conflits. Et nous ne pouvons résoudre ces problèmes que par le dialogue et les pourparlers. Nous aimerions partager notre expérience avec vous afin de trouver une issue positive à cette crise. Notre frère le président Ramaphosa a fait une proposition en espérant pouvoir convaincre les deux pays, la Russie et l’Ukraine ».

Les médias occidentaux ont fait peu de cas de la tentative de médiation africaine, et ont carrément passé sous silence les révélations de Poutine. Il faut dire que cette initiative africaine s’inscrit dans la dynamique d’un « Sud-planétaire » se désolidarisant de plus en plus de l’impérialisme anglo-américain – ce qui doit sans doute embarrasser les salles de rédaction (lire notre précédente chronique : Le Sud-Planétaire confirme sa trajectoire de développement et de coopération économique).

D’ailleurs, l’Afrique du Sud, qui accueillera en août le sommet des BRICS, est devenue la cible des attaques de l’Otan. Alors que le président Cyril Ramaphosa était en vol vers Kiev, les autorités polonaises ont retenu l’avion qui transportait son service de sécurité et les journalistes, pendant 10 heures, avant de les placer dans des bus en route vers la capitale ukrainienne. Dans le même temps, l’Italie a apparemment refusé aux avions sud-africains le droit de survoler son espace aérien, et le Congrès américain a décidé de retirer sa certification et d’expulser l’Afrique du Sud de l’African Growth and Opportunity Act – qui représente un huitième des exportations sud-africaines, soit 4% de son PIB et des dizaines de milliers d’emplois.

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