L’ONU sabre son aide alimentaire ? C’est la faute à la Russie !

jeudi 20 juillet 2023

Chronique stratégique du 20 juillet 2023 (pour s’abonner c’est PAR ICI)

Derrière le spectacle que nous offrent actuellement les médias occidentaux, où l’on s’évertue à monter les pays du Sud contre la Russie en blâmant cette dernière à propos de l’accord sur les céréales, la réalité est que l’ONU est elle-même en train de diminuer l’aide apportée aux pays dans le besoin. Ces derniers mois, le Programme alimentaire mondial (PAM) a en effet réduit le volume de l’aide alimentaire fournie par les agences des Nations Unies en Afghanistan, en Haïti et dans d’autres points de besoin extrême, alors que les dons de financement ont considérablement chuté.

Réduction de l’aide alimentaire

Dans l’ensemble, le nombre de personnes dans le monde en sous-alimentation dépasse maintenant les deux milliards, et parmi celles-ci, 750 millions souffrent de famine, soit une augmentation de 122 millions de personnes de 2019 à 2022. Les dernières chiffres apparaissent clairement dans le rapport annuel multi-agences des Nations Unies publié la semaine dernière, intitulé « L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023 ».

Les récents communiqués de presse du PAM apportent des mises à jour sur les réductions scandaleuses de l’aide alimentaire. En Haïti notamment, où le nombre de personnes recevant une aide alimentaire d’urgence a été réduit de 25 % en juillet, en baisse par rapport au mois précédent, rapporte un communiqué du 17 juillet. « Malheureusement, cela signifie que 100 000 Haïtiens parmi les plus vulnérables sont forcés de s’en sortir sans aucun soutien du PAM ce mois-ci ».

Au niveau actuel de financement pour l’année en cours, le PAM manque de ressources pour fournir une aide alimentaire à un total de 750 000 personnes qui ont un besoin urgent, peut-on lire. C’est à un moment où le pays est confronté à un niveau sans précédent de besoins humanitaires, avec près de la moitié de la population – 4,9 millions de personnes – incapable de trouver assez à manger.

En Afghanistan, des réductions de l’aide alimentaire suffisantes pour fournir des secours d’urgence à 8 millions de personnes ont été effectuées en mai et en juin, de sorte que l’aide alimentaire bénéficie à 6 à 7 millions de personnes, contre 13 à 15 millions de personnes au début de l’année. Dans l’ensemble, on estime que 27 millions de personnes en Afghanistan ont besoin d’aide alimentaire, et que 37 millions sous globalement sous-alimentés.

Entre la faim et la guerre, l’Otan a choisi les deux

Ces réductions de l’aide alimentaire des agences de l’ONU (10 à 15 fois moins !) reflètent directement la réorientation de « l’économie de guerre » dans la région transatlantique, dans laquelle les budgets des membres de l’Otan se concentrent sur les armes au détriment de l’aide alimentaire et humanitaire.

Les États-Unis, qui ont contribué plus de 1,2 milliard de dollars à l’appel humanitaire l’année dernière, ont donné 74 millions de dollars en juin dernier, comme le rapportait Voice of America le 20 juin. De même, le Royaume-Uni, un autre donateur majeur, a alloué 522 millions de dollars en 2022, mais n’a contribué qu’à environ 30 millions de dollars jusqu’à présent en 2023. Le financement de l’Allemagne est passé de 444 millions de dollars à 34 millions de dollars au cours de la même période, selon les chiffres de l’ONU. 

Le directeur du PAM, David Beasley (de 2017 à mars 2023), est vent debout ; il a affirmé à plusieurs reprises qu’il avait débuté son mandat au PAM dans l’espoir de se retrouver bientôt sans emploi, en conséquence de l’élimination définitive de la faim dans le monde. Sa remplaçante, qui supervise docilement les coupes dans les secours vitaux, est Cindy McCain, veuve du défunt faucon de guerre, le sénateur républicain John McCain. Elle a été nommée par le président Biden, qui l’a mutée au poste du PAM, après avoir été ambassadrice auprès des agences alimentaires des Nations Unies à Rome, de 2021 à 2023.

Le nouveau récit de l’Otan consiste à accuser la Russie de la future flambée des prix alimentaires et des famines qui s’en suivront, en conséquence de son blocage contre l’Initiative céréalière de la mer Noire. Rappelons que les conditions clés de l’Initiative, conclue en juillet 2022, n’ont jamais été remplies pour soutenir les exportations russes de produits alimentaires et d’engrais, ainsi que celles en provenance d’Ukraine. La Russie a déclaré cette semaine qu’elle rejoindrait l’accord, à condition que cela soit respecté.

L’Otan a propagé deux « récits » fallacieux à propos de la question alimentaire, dans le contexte du conflit en Ukraine :

Le premier récit consiste à affirmer le mensonge scandaleux selon lequel l’Ukraine était un important fournisseur de céréales aux pays pauvres et que la Russie affamait les gens par son opération militaire spéciale. En réalité ? L’Ukraine est depuis les années 1990 une source majeure de céréales sur le marché commercial pour les pays développés, par exemple l’Espagne, le Japon, les Pays-Bas, la Chine et d’autres, principalement pour l’alimentation du bétail. Ce type de « sourcing mondial », qui représente plus de 90% des exportations de l’Ukraine, a été imposé à l’Ukraine à partir des années 1990.

Le deuxième récit, promu à partir de l’automne 2022 pour se substituer à ce premier récit, qui avait pris du plomb dans l’aide, consiste à affirmer que le fait d’empêcher l’Ukraine d’exporter des produits alimentaires par la mer Noire fait exploser les prix sur les marchés mondiaux des céréales, et que cela nuit aux pays pauvres qui dépendent des importations de céréales.

Le biais de « l’aide alimentaire »

En réalité, éradiquer la famine est une question de volonté. Grâce à une mobilisation internationale et collaborative de production et de distribution alimentaires, les demandes physiques de volumes d’aide alimentaire temporaire suffisants pour éliminer la faim partout dans le monde pourraient être satisfaites en deux cycles de culture, en 24 à 36 mois. Il faudrait pour cela augmenter la production céréalière mondiale annuelle pour atteindre la fourchette d’environ 6 milliards de tonnes métriques par rapport à son volume actuel de moins de 3 milliards.

Mais cela impliquerait de changer le système financier dominant.

Au lieu de cette approche, au cours des dernières décennies, les États-Unis et d’autres pays occidentaux — ainsi que quelques donateurs milliardaires soucieux de se payer une bonne conscience à bon marché — se sont drapés d’une cynique « prétention d’aide alimentaire », apportant des fonds au PAM et à d’autres agences et organismes de bienfaisance, qui achetaient ensuite leur nourriture aux cartels alimentaires (Cargill, Bunge, ADM et d’autres enseignes moins connues). Et si des populations ont pu bénéficier de cette généreuse aumône, il s’agissait surtout d’un corollaire à la politique de Londres et de Wall Street visant à empêcher les nations de développer leurs économies et leur production alimentaire, et à empêcher la construction d’infrastructures – eau, transport et systèmes électriques nécessaires à une agriculture moderne à haut rendement.

Enfin, comble du cynisme, la bonne morale verte malthusienne a été propagée, selon laquelle des populations affamées sont la caractéristique intrinsèque d’un monde surpeuplé.

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