Israël-Palestine : la Chine appelle à une conférence internationale de paix

mercredi 18 octobre 2023

Chronique stratégique du 18 octobre 2023

Si l’engrenage meurtrier en cours entre Israël et la Palestine n’est pas stoppé par un cessez-le-feu immédiat et un retour à la table des négociations, il deviendra le détonateur d’une Troisième Guerre mondiale et le point de départ d’une vague d’attentats à l’échelle planétaire.

La grande question immédiatement posée est donc de savoir s’il existe encore un médiateur sincère et crédible (« honest broker ») pour aboutir à une paix juste et durable ?

Joe Biden se rend dans la région aujourd’hui, mais son pays, depuis assassinat de Rabin, n’a rien fait pour faire respecter les accords d’Oslo. Pire encore, sous l’administration Trump, un président élu avec les voix des « sionistes chrétiens », les Etats-Unis n’ont cessé d’encourager les pires fanatiques au pouvoir à Tel Aviv pratiquant l’apartheid chez eux et le nettoyage ethnique dans leurs colonies. Bizarrement, le « plan de paix » de Jared Kushner proposait déjà aux Palestiniens de renoncer à leurs terres et de s’installer dans les régions du désert où l’offensive actuelle de Tsahal veut les conduire.

Devant cette ignominie, les Européens, de plus en plus colonisés par la finance anglo-américaine et par une OTAN globale, tout en sachant qu’on allumait une bombe à retardement, ont systématiquement renoncé à lever la voix.

Heureusement, les dirigeants du Sud planétaire et des BRICS, sous l’impulsion de la Chine et du Brésil, bien plus crédibles que « l’Occident global », se mobilisent pour trouver une voie de sortie.

La proposition de paix de la Chine

Au cours du week-end, tandis que les préparatifs d’une intervention israélienne dans la bande de Gaza se mettaient en place, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a souligné auprès du secrétaire d’État américain Antony Blinken que les grandes nations devaient désormais soutenir une conférence internationale sur la situation de crise.

Cette proposition de conférence de paix remonte en réalité à juin dernier, lorsque le président chinois Xi Jinping a présenté la nécessité de tenir une conférence internationale de paix sur le conflit israélo-palestinien.

La proposition a été remise sur la table par la Chine et le Brésil la semaine dernière. Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a déclaré le 13 octobre que Wang Yi coordonnait la proposition de conférence de paix avec des responsables brésiliens. A noter que le Brésil assure ce mois-ci la présidence tournante du Conseil de sécurité de l’ONU. Suite à sa rencontre le 12 octobre avec le conseiller principal en politique étrangère du président brésilien Lula da Silva, Celso Amorim, au sujet du conflit palestino-israélien, Wang a déclaré à Amorim : « La Chine appelle à une conférence de paix internationale dès que possible afin de créer un consensus international plus large autour de la solution à deux États, et d’établir un calendrier et une feuille de route pour y parvenir ». Wang Yi a ajouté que l’ONU a à la fois la responsabilité et l’obligation « de jouer le rôle qui lui revient sur la question palestinienne ».

Catharsis destructrice

Avec 2,3 millions d’habitants dans la bande de Gaza, dont 1 million à moins de 15 ans, ce qui se prépare est une tragédie sans nom. On estime qu’un million de personnes sont déplacées à l’intérieur de Gaza ; parmi eux, plus de 500 000 ont tenté de quitter le nord pour le sud. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié une déclaration qualifiant l’ordre donné par Israël d’évacuer la population du nord vers le sud de « condamnation à mort ». Cela concerne 22 hôpitaux, dont nombreux parmi les 2 000 patients étaient trop malades pour être déplacés. Il n’y a ni eau ni assainissement pour des centaines de milliers de personnes. L’accès à l’électricité est de plus en plus difficile, et la pénurie alimentaire est aiguë.

Du côté militaire, Tsahal poursuit ses frappes dans la bande, y compris dans le Sud, où se sont réfugiés les habitants du Nord Les roquettes du Hamas continuent de frapper Israël par intermittence. Israël a rassemblé ses forces sur deux fronts, la frontière avec Gaza et sa frontière nord avec le Liban, où 28 villages ont été évacués.

Lundi, le poste-frontière de Rafah entre Gaza et l’Égypte a été bombardé, empêchant le passage du convoi de camions chargés d’aide humanitaire. Mardi soir, l’hôpital baptiste Al-Ahli à Gaza a été détruit, tuant des centaines de personnes, attaque attribuée par Israël au Djihad Islamique résultant d’une erreur de manipulation d’une fusée. « C’est une lutte entre les enfants de la lumière et les enfants des ténèbres, entre l’humanité et la loi de la jungle », a tweeté le Premier ministre israélien Netanyahou, avant de supprimer son message.

« Israël s’est maintenant lancé dans une offensive violente contre la bande de Gaza et ses habitants, écrit Paul Pillar, vétéran de la CIA, dans un article publié par Responsible StatecraftIl s’agit en grande partie d’un acte de vengeance à l’état pur. C’est une catharsis nationale au milieu d’une atmosphère de chagrin et de colère intenses. Bien que l’indignation contre l’attaque du Hamas soit compréhensible, être compréhensible n’est pas la même chose qu’être sage ou efficace, pour Israël lui-même ou pour la paix et la sécurité régionales ».

Aveuglement des Occidentaux

Lundi, de retour en Israël suite à une tournée dans six pays arabes, Antony Blinken est revenu non seulement sans solution, mais avec une aggravation de la crise. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est également venue en Israël, avant l’arrivée du président Biden mercredi. Le président allemand Olaf Scholz a également fait connaître son intention de s’y rendre. Leur credo reste le même : « Israël a la responsabilité et l’obligation de faire tout ce qu’il veut pour se protéger ».

Pendant ce temps, l’USS Dwight Eisenhower a quitté le port de Norfolk, en Virginie, pour rejoindre en Méditerranée orientale le groupement tactique du porte-avions USS Gerald R. Ford, et apporter des forces supplémentaires à ce que l’armée américaine qualifie de « dissuasion ». Des frégates italiennes et britanniques ont reçu l’ordre de rejoindre les forces américaines. L’aspect dramatique de cette force massive, comme l’ont souligné de nombreux experts militaires, est qu’un seul drone pourrait causer des dégâts importants à cette flotte, avant même que les avions ne puissent décoller.

L’analyste chevronné du renseignement américain Ray McGovern a envoyé dimanche un tweet cinglant sur cette folie : « Les 10 000 hommes naviguent dans la vallée de la mort, à bord des porte-avions Ford et Eisenhower — des cibles faciles pour les drones et d’autres armes dont n’avaient pas rêvé les auteurs de la Charge de la brigade légère. Peut-être est-ce ce que veulent Blinken, Nuland et Austin ? Ou sont-ils simplement stupides ? »

Mobilisation internationale pour la paix

Face à cela, le rôle de la Coalition internationale pour la paix (IPC), mobilisée depuis cinq mois entre autres par nos amis de l’Institut Schiller, est essentiel pour galvaniser une action décisive au niveau international. Le vendredi 20 octobre aura lieu la deuxième réunion ouverte (en ligne) de l’IPC réunissant des personnalités mondiales et des dirigeants de réseaux pour la paix, après le premier dialogue de ce type vendredi dernier.

Dans le même temps, hors des radars des médias occidentaux, s’est déroulée les 17 et 18 octobre le forum du 10e anniversaire de l’Initiative de la Ceinture et la Route mondiale, en Chine, à laquelle participent des milliers de personnes, dont les délégations de 140 pays. Dans le contexte de la situation actuelle en Asie du Sud-Ouest, le forum prend les allures d’une plate-forme de réflexion et de propositions pour sortir de la crise.

Des manifestations massives ont eu lieu partout dans le monde le week-end dernier, appelant à des mesures humanitaires d’urgence en Palestine et à des pourparlers en faveur de la paix en Asie du Sud-Ouest. Des milliers de personnes étaient présentes dans des villes du monde entier, de Los Angeles à Copenhague. Lundi, à Washington, DC, des gens se sont rassemblés aux portes de la Maison Blanche pour exiger l’arrêt de l’anéantissement de Gaza et des mesures en faveur de la justice et de la paix.

Lors d’un entretien lundi avec ses collaborateurs, la fondatrice de l’Institut Schiller et co-initiatrice de l’IPC, Helga Zepp-LaRouche, a appelé à mettre fin immédiatement au conflit, et à ouvrir un processus de négociations, qui doit avoir lieu dans le contexte d’une conférence de paix – tout cela à la mise en place d’une architecture de sécurité et de développement à l’échelle mondiale.