Israël, USA : la réaction vengeresse de Netanyahou ne fait pas l’unanimité

vendredi 3 novembre 2023

Chronique stratégique du 3 novembre 2023

Tandis que l’offensive terrestre de Tsahal dans la bande de Gaza a débuté, le soutien de l’opinion publique israélienne pour l’opération vengeresse de Netanyahou est en chute libre. Un sondage réalisé par le journal israélien Maariv News le 27 octobre montre que seuls 29 % des Israéliens restent favorables à une invasion terrestre immédiate de Gaza, alors qu’ils étaient 65 % le 19 octobre. Maariv note également que 80% des Israéliens tiennent Netanyahu pour responsable de la crise. Et selon un autre sondage du Jerusalem Post, ce chiffre serait même de 94 %, tandis que 56 % des Israéliens pensent que Netanyahu devrait démissionner après la fin de la guerre.

En outre, l’ancien ministre israélien des Affaires étrangères, Shlomo Ben-Ami, a exprimé dans une récente interview une forte critique de la politique israélienne actuelle, reflétant la position de ce qui peut être considéré comme une faction plus ancienne et plus mesurée de l’establishment israélien. Israël « n’a pas d’objectif stratégique politique clair », a déclaré Ben-Ami, ajoutant qu’il s’agissait « d’une guerre réactive ». « Israël est en train d’échouer », a-t-il poursuivi, avertissant que cette crise pourrait « déclencher une conflagration plus large dans la région et au-delà ». Au lieu de cela, « nous devons examiner les étapes immédiates et examiner ce qu’il est possible de concevoir à plus long terme ». L’ancien ministre a déclaré qu’il fallait repartir des accords d’Oslo et, grâce à un leadership responsable, ces problèmes à long terme pourraient commencer à être résolus.

Dans le même temps, un vigoureux débat se manifeste dans le monde entier à cet égard, comme en témoigne le vote du 27 octobre à l’Assemblée générale des Nations Unies, où 120 pays ont voté en faveur d’un cessez-le-feu. Résolution qui a fortement divisé l’Europe, puisque la grande majorité des pays d’Europe centrale se sont abstenus, que quelques pays ont voté contre (Tchéquie, Hongrie, Autriche et Croatie), et que la France, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Turquie ont voté pour, aux côtés de la Russie et de la Biélorussie.

Aux États-Unis, des fissures apparaissent également dans la chape de plomb qui s’est imposée dès le 7 octobre, où il était impossible de critiquer la réaction militaire israélienne, et ses conséquences désastreuses pour la population de Gaza, sans être accusé d’antisémitisme. Le 30 octobre, 165 professeurs de l’Université Columbia ont publié une lettre soutenant le droit des étudiants à manifester leur soutien à la Palestine et à critiquer Israël, sans attaques contre leurs opinions, et en même temps mettant en garde contre la menace pour la liberté d’expression et de débat sur le campus. « Nous vous écrivons maintenant pour exprimer nos graves inquiétudes quant à la façon dont certains de nos étudiants sont vicieusement ciblés par l’humiliation publique, la suspicion et la surveillance par des membres de notre communauté, y compris d’autres étudiants ».

Derrière la folie guerrière, la fin de la « Pax americana »

Ce qui n’empêche pas les faucons d’en remettre une couche dans leur délire guerrier. En pointe de l’attaque, le Wall Street Journal, qui avait dès le 7 octobre accusé sans preuves l’Iran d’avoir commandité l’attaque du Hamas, a de nouveau pointé du doigt la République islamique, appelant à la prendre pour cible. Le comité de rédaction du journal a dénoncé l’ordre du président Biden de bombarder des sites liés à l’Iran en Syrie le 26 octobre comme « une réponse faible aux attaques de l’Iran », une « simple piqûre d’épingle ».

« L’administration ne s’attaque toujours pas à la cause profonde de la violence dans la région : l’Iran, fulminent-ils. Sans changer la politique américaine à l’égard de l’Iran, la menace persistera. M. Biden devra abandonner les fantasmes d’un accord nucléaire, appliquer des sanctions sur le pétrole et les missiles au lieu de faire un clin d’œil aux violations, et rétablir une pression maximale sur Téhéran. Cela pourrait inclure une aide secrète aux dissidents à l’intérieur de l’Iran afin que les ayatollahs ressentent une pression dans leur pays ».

Il est révélateur que l’éditorial cite la Fondation pour la défense des démocraties (Foundation for Defense of Democracies, ou FDD) comme une source crédible. Bastion des groupies de Cheney-Rumsfeld-Wolfowitz qui ont plongé les États-Unis dans les horreurs de la guerre d’Afghanistan et d’Irak, la FDD est si fanatique dans son bellicisme que nos amis américains de l’EIR (Executive Intelligence Review) l’avait surnommée le « Comité pour faire exploser le monde » dans les années 1990.

Depuis le Daghestan, où Vladimir Poutine s’est rendu suite à l’émeute du 29 octobre à l’aéroport de la capitale, le président russe a dénoncé les visées géopolitiques de ceux qui alimentent la crise entre Israël et la Palestine. « Les terribles événements qui se déroulent actuellement dans la bande de Gaza, alors que des centaines de milliers d’innocents sont tués sans discernement (…) ne peut être justifiée par rien. (…) Mais nous ne devrions pas, nous n’avons pas le droit et nous ne pouvons pas nous laisser guider par les émotions. Nous devons comprendre clairement qui est vraiment derrière la tragédie des peuples du Moyen-Orient et d’autres régions du monde, qui organise le chaos mortel et qui en profite ».

« Ceux qui sont à l’origine du conflit au Moyen-Orient et d’autres crises régionales, utiliseront leurs conséquences destructrices pour semer la haine et mettre les gens en désaccord à travers le monde. C’est un véritable objectif de ces tireurs de ficelles géopolitiques, a déclaré Poutine. Ils veulent un chaos sans fin au Moyen-Orient ».

Poutine a ensuite tourné son attention vers la situation stratégique et la transformation en cours dans le monde. « Les États-Unis, en tant que superpuissance mondiale, s’affaiblissent, perdent leurs positions, et tout le monde le voit, le comprend, même en regardant les tendances de l’économie mondiale. La ’Pax Americana’, le ’monde américain’ est en train de s’effondrer, devenant lentement mais sûrement une chose du passé », a-t-il déclaré.

D’où l’urgence, dans ce monde menacé par les bouleversements du piège de Thucydide, d’agir en faveur de la paix au Proche-Orient et en Europe.