L’Afrique du Sud accuse Israël de génocide

mardi 9 janvier 2024

Chronique stratégique du 9 janvier 2024

La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye a annoncé le 30 décembre que le gouvernement sud-africain avait porté plainte contre Israël pour génocide à Gaza et demandé à l’ONU d’ordonner l’arrêt immédiat de ces opérations militaires. 

Comme l’indique le communiqué du CIJ, la plainte affirme que « les actes et les omissions d’Israël sont de nature génocidaire car ils sont commis avec l’intention spécifique (...) de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique palestinien plus large ». Le comportement d’Israël « constitue une violation des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention sur le génocide ».

La Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, dont Israël était signataire – et même promoteur –, définit en effet le génocide comme un acte « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Le document de 84 pages de l’Afrique du Sud indique que les actions d’Israël « sont de nature génocidaire parce qu’elles sont destinées à provoquer la destruction d’une partie substantielle » des Palestiniens de Gaza. 

A la date du 29 décembre, plus de 21 110 Palestiniens ont été tués et plus de 7 780 sont portés disparus. « Israël a également dévasté de vastes zones de Gaza », endommageant plus de 355 000 maisons. 1,9 million de personnes ont été forcées de fuir leur domicile, soit 85 % de la population, se retrouvant parquées dans des zones de plus en plus petites, sans abris adéquats, et qu’Israël a également bombardé par la suite. Tout cela, rappelle le document, suite à 75 ans d’apartheid, 56 ans d’« occupation belligérante du territoire palestinien » et 16 ans de blocus de Gaza.

Il est important de noter qu’en plus des meurtres et des blessures graves causés par des actions militaires, Israël est également accusé de « leur avoir infligé [aux Gazaouis] des conditions de vie calculées pour provoquer leur destruction physique en tant que groupe ». Israël n’a pas réussi à « fournir ou assurer la nourriture, l’eau, les médicaments, le carburant, les abris et toute autre aide humanitaire essentiels pour la population assiégée et sous blocus » de Gaza.

 

Le pasteur de Bethléem brise le silence

Le pire, alors que les bombardements se poursuivent, sur fond d’une aggravation du manque d’eau, de nourriture, de médicaments et d’électricité, c’est que les gouvernements occidentaux continuent de tolérer — ou pire, d’approuver — une barbarie aussi flagrante. Et ceci, tout en prétendant défendre les droits de l’homme et en se félicitant de la supériorité morale des « valeurs occidentales ». 

Heureusement, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer cet état de fait. Lors de son sermon de Noël du 23 décembre, le révérend Munther Isaac, pasteur de l’église évangélique luthérienne à Bethléem, a posé le problème de façon extrêmement poignante : « Nous sommes tourmentés par le silence du monde. Les dirigeants du monde dit ‘libre’ se sont alignés les uns après les autres pour donner le feu vert à ce génocide contre une population captive. (...) Non seulement ont-ils fait en sorte de payer la facture à l’avance, mais ils ont occulté la vérité et le contexte, fournissant ainsi une couverture politique ».

« 

L’hypocrisie et le racisme du monde occidental

 sont transparents et épouvantables ! A poursuivi le pasteur. À nos amis européens : je ne veux plus jamais vous entendre nous faire la leçon sur les droits de l’homme ou le droit international. (...) Nous sommes scandalisés par la complicité de l’Église. Soyons clairs : le silence est synonyme de complicité, et les appels à la paix, sans cessez-le-feu ni fin de l’occupation, ainsi que les paroles superficielles d’empathie sans action directe, se placent tous sous le signe de la complicité. Voici donc mon message : Gaza est devenue aujourd’hui la boussole morale du monde. »

« Si vous n’êtes pas consterné par ce qui se passe, si vous n’êtes pas ébranlé au plus profond de vous-mêmes, c’est que quelque chose ne va pas dans votre humanité. Si, en tant que chrétiens, nous ne sommes pas scandalisés par ce génocide, par l’utilisation de la Bible comme arme pour le justifier, il y a quelque chose qui ne va pas dans notre témoignage chrétien et qui compromet la crédibilité de l’Évangile ! »

En Israël, l’opposition grandit contre Netanyahou, de nouveaux sondages montrant que 70 % de la population souhaite la démission du Premier ministre. « Détrôner dès maintenant le roi Bibi », titre l’éditorial du Haaretz du 25 décembre. Le quotidien affirme que les conditions sont désormais réunies pour reprendre les grandes manifestations contre Netanyahou et son gouvernement, qui ont secoué Israël pendant les mois précédant le 7 octobre. À l’époque, les manifestations étaient axées sur la « réforme judiciaire » douteuse du gouvernement, que la Cour suprême a désormais bloquée. 

Haaretz écrit que « le Premier ministre Benjamin Netanyahu est le principal responsable des échecs sécuritaires, diplomatiques et sociaux ayant conduit au massacre du 7 octobre et au déclenchement de la guerre ». Par conséquent, « il n’y a rien de plus justifié que de le destituer ».

Par ailleurs, dans l’édition du 28 décembre du Haaretz, l’ancien Premier ministre israélien Ehoud Olmert (2006-09) appelle Israël à arrêter totalement les combats, à organiser l’échange d’otages et de prisonniers et à demander à l’Égypte de servir de médiateur dans les négociations entre Israël et les Palestiniens. Il convient de noter qu’Olmert n’est ni travailliste ni de « gauche ».