Génocide à Gaza : selon le juriste Francis Boyle, l’Afrique du Sud a raison

mardi 23 janvier 2024

Chronique stratégique du 23 janvier 2024

Le 19 janvier, le professeur Francis Boyle, avocat américain spécialisé dans les droits de l’homme, a participé à la réunion de la Coalition internationale pour la paix (CIP) [1] apportant son analyse d’expert juridique au sujet de la procédure d’accusation de l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide à Gaza, auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye.

Boyle, professeur de droit international à la faculté de droit de l’Université de l’Illinois, est le seul avocat a avoir obtenu gain de cause pour génocide auprès de cette cour. C’était en 1993, lorsqu’il avait pris la défense de la Bosnie-Herzégovine contre le président Serbe Milosevic. La difficulté aujourd’hui est beaucoup plus grande, étant donné que les États-Unis, première puissance mondiale, sont, cette fois-ci, le principal soutien d’Israël dans ce génocide, alors qu’en 1993, ils soutenaient l’accusation contre la Serbie, alliée de la Russie.

Aujourd’hui, face à l’horreur à Gaza, seuls les aveugles ou les complices de cette ignominie peuvent nier que ce qui se déroule sous nos yeux est un génocide, tel que le définit la Convention de 1948 de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide. Le décompte macabre atteint en effet près de 25 000 morts ; de plus, la destruction des infrastructures et des services essentiels d’approvisionnement en eau, d’assainissement et de santé, pose la menace immédiate de famine et d’épidémies. Les 335 000 enfants de moins de 5 ans de Gaza se trouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité, et l’UNICEF prévoit que, dans les prochaines semaines, l’émaciation infantile, la forme de malnutrition la plus mortelle chez les enfants, pourrait augmenter de près de 30 % par rapport aux conditions d’avant la crise, affectant jusqu’à 10.000 enfants.

Selon Boyle, l’Afrique du Sud devrait obtenir une ordonnance de la part de la CIJ sommant Israël de cesser cet acte de génocide, comme il l’avait lui-même obtenu contre la Yougoslavie et son président Slobodan Milosevic en 1993. Et il est clair que les juges de la Cour sont actuellement soumis à une pression politique massive par Israël et les États-Unis pour qu’ils se prononcent contre la République d’Afrique du Sud et les Palestiniens. « Je suis sûr que les juges de la Cour internationale font l’objet de chantage, de menaces, et d’intimidation de la part des États-Unis, d’Israël et de leurs partisans pour qu’ils se prononcent contre la République d’Afrique du Sud », a affirmé Boyle.

Le juriste américain a notamment dénoncé la complicité de l’administration Biden et des Britanniques : « Il s’agit d’une complicité de génocide en violation de l’article 3, paragraphe E de la Convention sur le génocide qui criminalise la complicité de génocide. J’étais dans une situation similaire pour la Bosnie-Herzégovine ».

Pour un plan de paix et de construction économique

De fait, l’initiative du gouvernement sud-africain a provoqué la panique dans les rangs du parti de la guerre en Occident. Outre les États-Unis et le Royaume-Uni, l’Allemagne a annoncé son intention d’intervenir en tant que tierce partie prenant le parti d’Israël contre l’Afrique du Sud.

Face à cela, de nombreuses organisations internationales s’insurgent. Par exemple, SHAPE (Saving Humanity and Planet Earth) de Chandra Muzaffar et Richard Falk, a publié une pétition qui a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures. Ils exigent plusieurs mesures concrètes, tel qu’un cessez-le-feu immédiat, une reconstruction économique globale de Gaza et de la Cisjordanie financée par Israël et ses soutiens occidentaux, le fait de donner au peuple palestinien le plein contrôle de la reconstruction, l’arrêt de toute forme de relations diplomatiques, militaires et politiques avec Israël pour démontrer qu’ils sont réellement isolés, ou encore le soutien de la cause de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice.

Par ailleurs, les Juifs de conscience ont publié une lettre ouverte adressée au gouvernement allemand, lui demandant comment il osait nier la réalité que les télévisions rapportent tous les jours dans les foyers des citoyens ; c’est-à-dire que Gaza est en train d’être transformée en cimetière pour enfants. Ils demandent à l’Allemagne, mais aussi à d’autres pays européens, de soutenir l’initiative de l’Afrique du Sud auprès de la CIJ de la Haye, rejoignant ainsi les nombreux autres pays du Sud qui la soutiennent déjà.

Comme l’a souligné Helga Zepp-LaRouche, lors de la réunion de la Coalition internationale pour la paix, le risque est très grand de voir les multiples conflits actuels, alimentés par le complexe militaro-financier anglo-américain, déboucher sur une guerre mondiale. Mais la voie de sortie existe, et nous devons consacrer tous nos efforts pour cela : un plan de paix global pour le Moyen-Orient avec une solution à deux États, un cessez-le-feu, un plan Oasis pour la reconstruction économique de toute la région.

« Je pense que l’idée d’avoir un programme de développement économique qui insuffle de l’espoir à tous les habitants de la région est extrêmement importante, a affirmé Mme Zepp-LaRouche. Il en va naturellement de même pour l’Ukraine ; l’Ukraine n’a pas pour vocation de devenir une usine d’armement du monde, elle a besoin au contraire de reconstruire son économie, ce qui ne peut se faire que si nous obtenons des pays européens qu’ils s’associent à l’initiative chinoise de ’la Ceinture et la Route’, et si nous invitons évidemment les États-Unis à en faire partie. La nouvelle architecture de sécurité et de développement à laquelle nous devons absolument parvenir doit tenir compte des intérêts de chaque pays et ne laisser personne de côté, sinon elle ne fonctionnera pas ».


[1CIP : organisation créée voici quelques mois à l’initiative d’Helga Zepp-LaRouche, présidente internationale de l’Institut Schiller, qui rassemble aujourd’hui de nombreux mouvements qui militent pour la paix au niveau international.