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Japon : ce qui se cache derrière les chiffres de croissance

mercredi 16 juin 1999

La croissance surprise de 1,9% du PIB japonais au cours du premier trimestre ce qui correspondrait à un étonnant taux de croissance annuel de 7,9% a poussé les investisseurs étrangers à acheter des actions japonaises, faisant dans le même temps considérablement remonter le yen.

Toutefois, les statistiques ne permettent pas de conclure que la crise soit terminée dans la deuxième économie industrielle du monde, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, ces chiffres trimestriels ne sont pas comparés à ceux de l’année précédente mais à ceux du quatrième trimestre 1998, le pire de l’histoire économique japonaise d’après-guerre.

Ensuite, c’est entre janvier et mars que les programmes de grands travaux publics lancés par le régime Obuchi pour stimuler l’économie ont été mis en oeuvre, des millions de dollars de fonds publics ayant été investis dans différentes régions pour tenter de créer des emplois alors que le chômage atteint un niveau record.

Au cours du premier trimestre, les investissements dans l’infrastructure publique ont augmenté de 10%. Mais l’expérience passée montre que la majeure partie de l’argent finit par aller dans les poches de personnalités politiques locales du LDP et n’a donc d’autre effet durable que l’augmentation de la dette publique par rapport au PIB.

Pour l’année fiscale en cours, le déficit public du Japon représentera probablement plus de 12% du PIB en raison du financement des grands travaux publics. D’ici l’an 2000, le rapport dette publique/PIB dépassera de loin celui de l’Italie et de la Belgique qui est de 140%. Ainsi, la pompe à finances publiques pourrait bientôt s’arrêter. Le secteur privé ne profitera sans doute pas de cette croissance économique. Outre que 2000 milliards de dollars de prêts irrécouvrables figurent toujours dans les livres de comptes des banques japonaises, empêchant d’engager d’importants crédits dans l’économie réelle, les entreprises japonaises vont faire face au cours des prochaines années à un grave déficit au niveau des retraites privées, qu’il faudra bien verser d’une manière ou d’une autre.

Comme la culture japonaise des affaires exclut la faillite d’une société, sauf dans de très rares circonstances, et que la direction d’une société a l’obligation morale de « ne pas perdre la face » pour défaut de versement des pensions de retraite, cette crise marquera sans doute la prochaine phase de la dépression japonaise.

Selon les estimations de sociétés financières américaines, le montant des allocations de retraite que les entreprises ne sont pas en mesure d’honorer, faute de trésorerie, dépasse les 670 milliards de dollars. Pour résoudre le problème, deux mesures seraient possibles une nouvelle vague de licenciements qui, cependant, s’ajouterait au chômage record actuel, ou une série de nouvelles faillites de sociétés toutes deux néfastes pour la croissance économique.