Les lycéens en colère vont-ils travailler la géométrie ?

vendredi 22 avril 2005, par Alexandre Noury

En mobilisation depuis trois mois, les lycéens doivent se questionner à la manière de Socrate : quelles sont les « causes » qui génèrent des « conséquences »(1) telles que la loi Fillon ou une société comme la nôtre qui n’a pas de futur ?

Après avoir organisé de nombreuses manifestations des plus bruyantes et suite au vandalisme organisé pour détruire la mobilisation du 8 mars, les lycéens ont opté pour une tactique se cantonnant à des occupations d’établissements et des actions sauvages diverses, souvent sévèrement réprimées par le ministère de l’Intérieur.

Le 14 avril, Samuel, accompagné des représentants de la coordination lycéenne, est intervenu au rassemblement du PCF pour lancer un appel au secours, avec la mantra gauchiste habituelle : « Unité ! Tous ensemble ! Grève générale ! » Comme d’habitude, on cherche à rassembler de façon unitaire autour du plus petit dénominateur commun : contre le FN, pour la gauche, contre le chômage et pourquoi pas pour officialiser la bise à la française en guise de salutation....

Une mobilisation de cette nature est-elle puissante ? Non, car il n’y a pas d’alternative cohérente, pas de direction, pas d’idées vraies partagées Un leader m’a demandé ainsi : mais où sont passées les 100 000 personnes des manifestations précédentes ?

Le Mouvement des jeunes larouchistes (LYM) est intervenu dans ce mouvement où des centaines de jeunes se mobilisent pour avoir un avenir et changer le monde, et non pas simplement contre la loi Fillon, avec un tract de la campagne présidentielle de Jacques Cheminade citant Martin Luther King : « Un mouvement social qui se contente de faire bouger les gens n’est qu’une simple révolte, un mouvement qui change les individus comme les institutions est une révolution. » Certains d’entre eux ont compris la cause du problème et donc la nécessité de changer le système bancaire et financier et de transformer la manière d’opérer du mouvement.

Sur le chemin de la révolution, cependant, les pièges sont nombreux Arrêtons-nous sur le roman de George Orwell 1984 : une dictature parfaite y est décrite, avec son système de contrôle social, où même la résistance y est factice. Regardons ce que défend Aldous Huxley, le philosophe de l’Empire britannique (terre promise du libre-échange) dans son Retour au meilleur des mondes(2). Rappelant les thèses qu’il avait déjà développées dans son premier ouvrage Le meilleur des mondes, Huxley dit : « Le problème du rapport entre le nombre des humains et les ressources naturelles avait été résolu : un chiffre optimum ayant été calculé pour la population mondiale [un peu inférieur à deux milliards, si mes souvenirs sont exacts].(...) La société intégralement organisée, le système scientifique des castes, l’abolition du libre-arbitre par conditionnement méthodique, la servitude rendue tolérable par des doses régulières de bonheur chimiquement provoqué [...]. Les êtres finalement décantés n’étaient plus tout à fait humains, mais encore capables d’accomplir des besognes non spécialisées et l’on pouvait escompter que, convenablement conditionnés, relaxés par des rapports libres et fréquents avec le sexe opposé, constamment distraits par des amusements gratuits et renforcés dans leur comportement conforme par des doses quotidiennes de soma [drogue], ils ne causeraient jamais le moindre ennui à leurs supérieurs ».

Voyons à présent ce que certains offrent politiquement à ces lycéens en quête d’engagement politique : « La classe dominante fait passer le cannabis pour quelque chose de très dangereux pour nous.[...] Atteindre un moment l’extase, certes artificiel, mais c’est quand même mieux que rien.[...] Jamais nous ne rentrerons dans le droit chemin ! », numéro d’avril 2005 de Red, le journal des Jeunesses communistes révolutionnaires (mouvement des jeunes de la ligue LCR), omniprésent dans la mobilisation des lycéens.

Voyons ce qu’Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue, propose dans Révolution !(3), son récent ouvrage. « Il s’agit de défendre une sexualité sans contrainte ni entrave, une sexualité épanouie à travers des plaisirs et désirs partagés. (...) La sexualité n’est, en réalité, ni libérée de l’ordre moral (...). Les partisans de l’interdiction (...) confondent drogues douces et drogues dures (...) La législation française est la plus rétrograde en Europe. (...) Ouvrir des coffee-shops ne serait pas plus scandaleux que les bars. (...) substituer au nucléaire d’autres sources d’énergie, en particulier les énergies renouvelables comme le solaire, les éoliennes. ».

Relisez Huxley et tirez-en vousmême les conséquences. LCR = Ligue de contrôle des révolutionnaires.

A l’opposé, dans un récent écrit, Les 50 prochaines années de la planète(4), l’économiste et homme politique américain Lyndon LaRouche met la responsabilité du futur entre les mains de la jeune génération. Comment ? En créant un mouvement de jeunes où « politique » rime avec « esprit de découverte », un mouvement où les jeunes sont amenés à refaire les grandes découvertes du passé dans les sciences, l’art, l’économie. Les jeunes deviennent ainsi capables de concevoir, par exemple, les cycles longs d’investissement dans l’économie physique, (barrages, centrales électriques, recherche, transports) pour être en mesure de créer les conditions d’un développement rapide de toute l’humanité. La démarche de LaRouche est ainsi aux antipodes de celle de Huxley et de ses héritiers, elle défend précisément ce que la drogue détruit, la créativité et la capacité d’agir sur les causes et non pas, de façon impuissante, sur les conséquences.


Notes

1. Incommensurabilité et analysissitus, essai pédagogique de Jonathan Tennenbaum.

2. Retour au meilleur des mondes, Aldous Huxley (sami.is.free.fr/ oeuvres/huxley_retour_au_meilleur des_mondes.html).

3. Révolution ! 100 mots pour changer le monde, Olivier Besancenot (J’ai lu, 2003).

4. Voir sur www.larouchepac.net.