Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Troisième homme

mercredi 26 janvier 2000

« Pourquoi pas un ? » L’Express du 13 janvier constate à juste titre que « les Français se lassent du duo Jospin-Chirac ». Si un troisième homme, conclut-il, « émerge des partis ou de la société civile, un boulevard s’ouvrira devant lui ».

Cette lassitude, que L’Express n’analyse pas, vient du sentiment largement partagé que ni le Président de la République, ni le Premier ministre n’offrent de projet politique mobilisateur. Les deux hommes s’observent, s’adaptent et tentent de naviguer au plus près de l’opinion, ce qui leur donne de bons sondages par temps calme, lorsque les soldes marchent bien, mais les expose directement en cas de tempête.

Or nous entrons précisément dans une zone de tempêtes. Un krach monétaire et financier à Wall Street, qui bouleversera les règles du jeu de la politique internationale, européenne et française, est devenu inéluctable. Un euro fiable ne peut, dans ces conditions, indéfiniment tenir lieu d’étendard et il ne sera en tous cas pas de nature à nous protéger. Dès lors, la croissance française et européenne actuelle, fondée sur l’afflux d’investissements étrangers, majoritairement anglo-américains, se trouvera brutalement affectée par leur rapatriement vers leurs places d’origine, Wall Street et la City, sur lesquelles ils tenteront de combler leurs pertes en prenant leurs bénéfices en Europe continentale, et en particulier chez nous.

A ce moment-là, les raisons qui font aujourd’hui la popularité de MM. Jospin et Chirac entraîneront, s’ils ne changent pas de démarche, leur rejet certain.

D’autant plus que le PS et le RPR ne sont plus des organisations capables de soutenir leurs dirigeants en cas de coup dur. Au RPR, il a été difficile de trouver plus de 50 000 adhérents pour élire une présidente. Au PS, la base est principalement composée de retraités et de fonctionnaires, plus corporatistes que militants. Partout, comme le montre une enquête récente de Jérôme Jaffré, les partis ont des effectifs faibles, excluent les milieux populaires, ne recrutent plus de jeunes et sont de moins en moins les reflets de la société. Ils deviennent des machines fonctionnant avec un petit groupe d’adhérents destinés à devenir des professionnels opportunistes de la politique.

Alors, qui pourra être ce « troisième homme » ? Certainement pas un cheval de retour comme M. Pasqua. Il sera issu de ce que fera, de ce que construira, comme toujours aux grands moment de changement dans l’histoire, un petit groupe d’hommes déterminés, répondant par un projet aux attentes confuses d’une majorité oubliée, aujourd’hui exclue d’une économie contrôlée par l’oligarchie financière et d’une politique confisquée par des "professionnels ». Un petit groupe d’hommes, vous, moi...