Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Terrorisme et nouvelle économie

vendredi 10 mars 2000

« La France condamne les attaques du Hezbollah et toutes les actions terroristes unilatérales, où qu’elles se mènent, contre des soldats ou des populations civiles . » Voici la petite phrase de Lionel Jospin, prononcée le 24 février, qui a provoqué tout le brouhaha autour de son voyage en Israël.

Elle était certes mal venue, et pour deux raisons. Tout d’abord, en pleine négociation entre la Syrie et Israël, la France semblait prendre partie. Ensuite et surtout, elle venait juste après une intervention du ministre israélien des Affaires étrangères, M. David Lévy, à la Knesset. Celui-ci, le visage déformé par la passion, y avait déclaré : « Si Khyriat Shmona brûle, le sol libanais brûlera à son tour. Sang pour sang, âme pour âme, enfant pour enfant . » La coïncidence était malheureuse, d’autant plus que dans une autre petite phrase, plus contestable que la première, M. Jospin avait assuré que i« la France souhaite que la réplique [israélienne] frappe aussi peu que possible les populations civiles ». C’était exprimer bien peu de compassion pour elles.

La réalité est que toute intervention de notre pays au Proche-Orient aura un sens très limité tant que nous ne serons pas prêts à fournir aux adversaires les moyens de la paix. Cela supposerait un effort économique massif, notamment en faveur des populations palestiniennes, pour les équiper avec une infrastructure et des moyens de développement leur permettant de rattraper - du moins partiellement - le niveau de vie des Israéliens. Tant qu’il n’y aura pas développement mutuel dans la région, il n’y aura en effet pas de paix, comme l’a dit à plusieurs reprises M. Shimon Pérès.

Or, pour débloquer la situation, la France devrait rompre avec un autre terrorisme - celui de l’ultralibéralisme et de l’oligarchie financière anglo-américaine. Là, il n’y a plus personne.

Plus inquiétant, le Financial Times de Londres est admiratif devant le « vieux truc » de Lionel Jospin : « Parler comme un homme de gauche quand c’est politiquement nécessaire, et pendant ce temps, agir tranquillement dans l’intérêt du business . » Dans nos prisons, nos hôpitaux et nos lycées professionnels, à la base, on n’est pas loin de partager l’analyse du Financial Times.

Certes, M. Christian Sautter a dénoncé la place financière de Londres, « paradis fiscal de facto ». Alors, il serait temps d’étendre la critique, d’attaquer politiquement Tony Blair - que M. Haider prend d’ailleurs pour référence - et de proposer autre chose. Faute de ce projet, notre « juste place » dans le monde tiendra dans un mouchoir en papier.