Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Le défi de Joschka Fischer

vendredi 21 avril 2000

Au moment où arrive l’épreuve que j’avais prévue dans ma campagne présidentielle de 1995 - le krach financier et monétaire du système « occidental » - la France se trouve tragiquement paralysée par l’imprévision et la soumission aux lois du marché de ses dirigeants. Ils ne peuvent même pas dire qu’ils ne savaient pas. C’est notre nouveau ministre de l’Economie et des Finances, Laurent Fabius qui, s’adressant au colloque sur la régulation du système financier international, le 25 mai 1999 à l’Assemblée nationale, déclarait lui-même : « La seule certitude, compte tenu du nombre et de la puissance des facteurs d’instabilité, c’est la survenance d’une crise financière si des modifications majeures ne sont pas réalisées ».

Ainsi, « ils » savaient, mais n’ont pas trouvé, en eux-mêmes et autour d’eux, les ressources pour agir.

Ironiquement, c’est aujourd’hui le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, qui vient, devant des journalistes de notre pays invités dans ses locaux berlinois, nous lancer le légitime défi : « L’axe franco-allemand est indispensable pour faire bouger l’Europe (...) Mais c’est à la France de prendre l’initiative (...) Elle a une position importante en Europe et c’est à elle que revient d’assumer le leadership. »

Cet appel très direct (et très peu couvert par la presse française) définit nos responsabilités. Comme c’est pratiquement un « silence radio » qui lui a répondu, je pense qu’il est de mon devoir de le relever. Pour dire que les citoyens français et allemands doivent joindre leurs forces afin d’imposer à nos deux pays une autre politique.

Certes, Gerhard Schröder s’est égaré en s’affichant avec son ami Tony Blair. Certes, côté français, Jacques Chirac a accumulé les gaffes vis-à-vis de l’Allemagne. Certes, Lionel Jospin a choisi en Laurent Fabius « un blairiste avant la lettre » de 1984. Certes encore, les pourparlers francobritanniques sur la défense ont tenu Berlin à l’écart. Certes enfin, dans le vide franco-allemand, le sommet européen anti-social de Lisbonne a consacré la soumission de tous à la « nouvelle économie » - à la veille de son krach.

Cependant, le passé est le passé. La crise financière et monétaire offre maintenant une occasion unique de changement. Si Chirac et Jospin ne la saisissent pas, leur destin historique sera scellé.

Je suis convaincu qu’avec une autre politique - nouveau Bretton Woods, pont terrestre eurasiatique, aide massive à l’Afrique, retour de l’Etat incitateur et volontariste, rejet absolu de toute « flexibilité » - le couple franco-allemand est une vision d’avenir. Nous n’avons pas d’autre choix en Europe pour ranimer un grand dessein. Ce sera mon combat.