Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Europe

mardi 4 juillet 2000

La France accède, le 1er juillet, à la présidence de l’Union européenne. L’impératif est de s’élever au-dessus des querelles partisanes et des zizanies administratives en concentrant les énergies sur deux fronts :

 redonner des objectifs et des tâches à l’Europe et aux Européens par delà les arrangements institutionnels ;

 faire entendre l’Europe et les Européens dans le monde, en proposant une option positive de défense de la production, du travail et de l’épargne populaire face à l’effondrement du système financier et monétaire international actuel.

Pour être elles-mêmes, la France dans l’Europe et l’Europe dans le monde doivent en effet se porter au-delà d’elles-mêmes, en définissant un horizon pour tous.

C’est ce que nous proposons ici : un nouveau Bretton Woods, substituant à l’OMC, au FMI et au malthusianisme financier un ordre organisé de croissance physique, et un pont terrestre eurasiatique et eurafricain, établissant un espace commun de développement et désenclavant les régions les moins favorisées qui nous entourent.

Pour exister, l’Europe doit promouvoir une croissance forte, une justice solidaire et une culture de la vie. Nous en sommes loin. Cependant, face aux pressions anglo-américaines, des signes positifs apparaissent, en particulier chez nous. C’est Hubert Védrine disant courageusement « non » à Madeleine Albright le 27 juin à Varsovie. C’est le retour du « moteur franco-allemand », seul capable de refonder une dynamique européenne face à l’oligarchie anglo-américaine et à sa loi de la jungle. C’est Jacques Chirac - retenons le meilleur de son discours berlinois - proposant des « souverainetés communes » pour acquérir « une puissance nouvelle et un rayonnement accrû » en évitant que, dans une Union élargie, le plus lent détermine la vitesse du convoi. C’est Laurent Fabius saluant le 28 juin, à l’Assemblée nationale, l’idée d’une « taxe Tobin ». C’est aussi Michel Camdessus, l’ancien directeur du FMI, reconnaissant son impuissance et « le risque de prochaines catastrophes ». Cependant, sur l’essentiel, nous sommes loin du compte.

L’Europe a été incapable, au sommet de Feira, de proposer une harmonisation fiscale digne de ce nom. Jacques Chirac, à Berlin, était accompagné par Ernest-Antoine Seillère, notre « patron des patrons » qui tente d’imposer par le chantage une convention sur l’assurance-chômage bafouant notre droit du travail et la tradition sociale européenne. A Tokyo, Carlos Ghosn, l’homme de Renault, applique une « thérapie de choc » à Nissan. L’on pourrait ainsi continuer longtemps.

La question fondamentale est simple : Hubert Védrine a engagé le débat. Sommes-nous capables de le poursuivre jusqu’au bout ? Sans cela, la France et l’Europe seront inéluctablement victimes de leurs propres faiblesses.