Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Intérêt général

mardi 22 novembre 2005

Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade2007.org, et consitutent le principal regard du candidat à la présidentielle de 2007 sur l’actualité française et internationale.

Toute République est fondée sur l’intérêt général, c’est-à-dire sur le service égal rendu à tous ceux qui habitent son territoire et aux générations futures. C’est ce respect de l’Autre - l’autre parmi nous et l’autre à venir - qui définit les relations sociales permettant d’aimer sa société et de s’estimer soi-même. Or aujourd’hui, et l’embrasement des banlieues n’est qu’un symptôme extrême, c’est chacun pour soi, l’autre étant devenu un adversaire à vaincre.

Les déclarations faites le 19 novembre par Nicolas Sarkozy à Levallois (Balkanyville) sont un exemple de cette conception inhumaine de l’homme. Pour lui, les papiers à eux seuls ne font pas la nationalité française. Le « philosophe » Alain Finkielkraut est plus spécifique. Il déclare de son côté : « Le problème est que la plupart de ces jeunes sont noirs ou arabes et s’identifient à l’Islam. » Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française, et Gérard Larcher, ministre délégué à l’Emploi, affirment de leur côté qu’ »une des causes des émeutes est la polygamie ». D’autres s’en prennent au regroupement familial décidé depuis 1976, comme si, nécessairement, les familles d’immigrés étaient pathogènes.

L’on a honte de devoir rappeler que tous les Français sont égaux et que les enfants d’immigrés doivent être considérés comme des Français à 100 %. Pire encore : Nicolas Sarkozy et de nombreux députés UMP veulent que des « intervenants spécialisés » détectent la délinquance dès la maternelle, comme s’il y avait une prédisposition au crime. Il ne s’agit plus ici d’identifier des situations à risque pour y remédier, mais de protéger la société de corps étrangers. Nous nous rapprochons à grands pas de ces barbaries du XXe siècle qui entendaient évacuer du corps social divers bacilles de koch humains ou ennemis de classe, avec les conséquences que l’on sait.

Une terrible indignation nous prend face à cette dérive. Elle se produit alors que des avions de la CIA survolent l’Europe et y atterrissent en transportant des prisonniers « secrets » vers des centres de torture dans des pays alliés du régime américain actuel. Elle se produit alors que le « Sommet mondial de l’information » vient de se dérouler dans un pays liberticide où règne l’injustice, la Tunisie de M. Ben Ali. Rappelons que M. Jospin disait qu’il était pour une économie de marché parce qu’elle est efficace, et contre une société de marché parce qu’elle est injuste. C’est ce genre de sophisme qui paralyse le Parti socialiste.

Comment prétendre lutter contre les idées ou les actes de M. Sarkozy et de ses semblables si l’on adhère aux mêmes fondements ? Le procès en appel de l’affaire d’Outreau révèle les préjugés sociaux de notre Justice : ils habitent à la tour du Renard, ce sont donc des présumés coupables.

La France doit retrouver le chemin de la raison, qui passe toujours par le coeur. La raison, c’est aujourd’hui l’intervention d’un Etat juste qui impose le retour de l’intérêt général et protège les plus faibles avec une force publique généreuse et sans complexes.