Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Le bandeau de Laurent Fabius

samedi 26 août 2000

Heureuse. « La France - toute une série d’indices l’attestent - se retrouve dans l’ensemble plutôt heureuse. Plus heureuse, en tous cas plus prospère, qu’elle ne l’a été depuis trente ans. » Ainsi parle Laurent Fabius dans Le Monde du 25 août, en annonçant « le plan d’allégement et de réforme des impôts le plus ample des cinquante dernières années ».

L’on croit rêver. Voici un homme intelligent, appartenant à un gouvernement d’administrateurs qui sont parmi les meilleurs de notre pays, entretenant l’espoir d’un âge sinon d’or, du moins de bonheur et de facilité retrouvée. Comme s’il portait un bandeau sur les yeux.

Alors qu’il sait, qu’ils savent, très bien que l’explosion de la crise financière et monétaire internationale peut en quelque jours, quelques semaines ou quelques mois, détruire le château de cartes. Déjà l’inflation se manifeste, les prix de l’essence flambent, la colère monte - mais on oppose au phénomène physique une argutie de vocabulaire. Il faudrait distinguer entre « inflation brute » et « le cour de l’inflation », qui bat en raison de la progression des cours du pétrole et de la dépréciation de l’euro sans que nous n’y puissions rien.

Tout irait bien, alors que le Concorde et le Koursk sont détruits, et qu’à juste titre la Russie dénonce « un ennemi qui, en en se prétendant réformateur et bienfaiteur, pille notre pays depuis dix ans », comme l’a souligné ouvertement une déclaration des dirigeants de la « gauche patriotique » et l’ont laissé entendre Primakov et Poutine.

Qu’importe, puisque « de quelque côté de l’échiquier politique que l’on se tourne en France », le « cri du cour est partout le même : vive la nouvelle économie ! », dont on espère les « gains de productivité », même si les torpilles filent déjà sous sa ligne de flottaison boursière.

Que se passe-t-il ? Il se passe que notre bureaucratie entend résister, comme elle en a manifesté certains signes, mais que fondamentalement, elle est inapte à le faire, car elle s’adapte par nature à la règle du jeu existante. C’est bien pourquoi j’entends élever la voix, proposer un dessein, appeler à la définition d’un autre projet et, pour ce faire, présenter ma candidature à la Présidence de la République.