Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Tragédie

mardi 7 février 2006

Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade2007.org, et consitutent le principal regard du candidat à la présidentielle de 2007 sur l’actualité française et internationale.

Je pensais vous parler aujourd’hui de ce que le drame d’Outreau révèle sur notre pays, mais la nouvelle guerre qui vient et que nous devons à tout prix arrêter balaie tout autre sujet.

L’Agence internationale de l’énergie atomique a décidé, ce 5 février à Vienne, de transmettre le dossier iranien au Conseil de sécurité de l’ONU. La transmission effective n’aura lieu, en principe, qu’après le 6 mars prochain, date à laquelle se réunira le conseil des gouverneurs de l’Agence, mais la décision est prise. L’initiative a été convenue à Londres, le 30 janvier, au cours d’un dîner réunissant le ministre des Affaires étrangères anglais, Jack Straw, et ses collègues français, américain, russe et chinois. Ari Larijani, qui avait exprimé à Moscou son acceptation de la solution russe - l’enrichissement de l’uranium iranien sur le territoire de son « allié » - s’est trouvé ainsi doublé. Le président Mahmoud Ahmadinejad a décidé que son pays reprendrait l’enrichissement industriel de son uranium et limiterait strictement sa coopération avec les inspecteurs de l’ONU aux obligations formelles imposées par le Traité de non-prolifération.

Le gouvernement iranien pense désormais que l’Europe est incapable d’agir sans le feu vert américain et que la Russie l’a trahi.

Au cours de la réunion de Wehrkunde, près de Munich, le sénateur américain McCain a déclaré que l’option militaire contre l’Iran est mauvaise, mais que si l’Iran se dotait de la bombe, ce serait encore pire. Jean-François Deniau, ambassadeur de France à Vienne, s’est félicité de la transmission du dossier iranien au Conseil de sécurité et la chancelière allemande, Angela Merkel, a affirmé que son expérience historique lui avait appris qu’il fallait toujours affronter les totalitarismes dans leur phase initiale.

Il règne ainsi une atmosphère de déjà vu, celle qui a précédé la guerre contre l’Irak.

L’affaire des « caricatures de Mahomet », provocation psychologique à ce moment de l’histoire, puis l’incendie des ambassades du Danemark à Damas et à Beyrouth, ont créé un climat de veillée d’armes. D’autant plus que le Wall Street Journal du 3 janvier appelle à l’action en désignant des sites iraniens à frapper et que Donald Rumsfeld a repris sa théorie d’une guerre « longue » - en fait permanente. Bref, le « choc des civilisations » est voulu et promu.

Que faut-il faire ? Dénoncer sans délai la manipulation britannique et anglo-américaine. Or c’est le moment que choisit Ségolène Royal, après Nicolas Sarkozy, pour faire l’éloge de Tony Blair. Cette partie visible d’un axe anglo-français ne rencontre pas d’opposition à Paris. MM. Chirac et de Villepin tiennent des propos lénifiants. Les allumés de Téhéran, traités sur profil, commettent toutes les fautes qu’on pouvait craindre d’eux.

Pourquoi sommes-nous impuissants ? La condescendance, la suffisance et l’incapacité d’écoute des juges d’Outreau fournissent une réponse. C’est avec cette attitude que nous devons rompre, en retrouvant la hauteur de vue permettant de faire face.