Les analyses de Jacques Cheminade

Clemenceau : « Même un chien on l’enterre chez soi »

mardi 21 février 2006, par Jacques Cheminade

Les analyses de Jacques Cheminade sont publiées tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade2007.org, et consitutent le principal regard du candidat à la présidentielle de 2007 sur l’actualité française et internationale.

« Même un chien on l’enterre chez soi » : ce cri de colère d’un ancien du Clemenceau exprime ce que nous pouvons ressentir face à tant de bévues, de fausses manoeuvres, de dissimulations, de mensonges et de démagogie politicienne.

  1. Le rapatriement en France du Clem, devenu la coque Q790, était aujourd’hui la bonne décision à prendre, parce qu’il n’y en avait plus d’autre. Notre système politique a fait remonter la responsabilité jusqu’au Président de la République. Il faut le regretter. Ne pas faire de vagues contribue toujours à en créer une très grande. Nos institutions politiques doivent donc procéder désormais autrement, en vertu du principe de subsidiarité et de l’esprit de décision.
  2. La solution la plus sage aurait été de couler le Clemenceau dans nos eaux territoriales, et d’en faire le lieu d’un cimetière marin. C’est Yves Cochet, ministre de l’Environnement vert, qui l’a empêché en 2002.
  3. Après 2002, l’affaire a été aussi mal gérée qu’elle pouvait l’être. En tentant de faire, selon les principes du libéralisme financier, des économie de bouts de chandelle et en choisissant les moins offrants, on a été tout droit au désastre. Successivement, les sociétés Gijonese et Ship Decommissioning Industries (SDI), chargées par le gouvernement de mener à bien le démantèlement du navire, ont fait ce que font de telles entreprises : sous-traiter et gagner autant que possible sans tenir compte d’aucun facteur humain. Pousser aujourd’hui des cris de surprise et saisir les tribunaux ne change rien à l’affaire. On ne se défausse pas des grandes affaires de l’Etat.
  4. « Aucun rapport, aucun inventaire, aucun diagnostic amiante ne figure au dossier » présenté devant le Conseil d’Etat. C’est accablant.
  5. Le problème dépasse de loin le Clemenceau, qui a été choisi par cible par Greenpeace parce qu’il était un bateau de guerre français. Le Norway (ex-France), qui doit être démantelé au Bangladesh, contiendrait environ 1200 tonnes de particules toxiques, soit beaucoup plus que le Clemenceau. Il en est de même pour les autres bateaux traités sur les chantiers navals asiatiques.
  6. Plus de 7000 bateaux sont détruits dans le monde tous les ans, et plus de 1000 attendent d’être démantelés aux Etats-Unis. Sans laboratoires de mesure ni entreprises compétentes pour le faire dans de bonnes conditions de santé et d’hygiène publiques.
  7. Une solution doit donc être trouvée à l’échelle européenne et mondiale, et elle a son coût. On ne peut plus faire comme si on ne savait pas. La mondialisation financière sans régulation conduit au crime contre le travail humain.
  8. En attendant, après avoir été désamianté en France, la meilleure solution resterait de couler le Clemenceau au large de Toulon ou de Marseille pour faire un lieu de souvenir. L’alternative est de se débarrasser de la coque vidée en Inde, si le ridicule ne tue ou ne coule pas.
  9. L’association Robin des bois a raison de souligner le risque d’effets pervers de la décision de Jacques Chirac et du Conseil d’Etat, si elle n’est pas suivie d’actes concrets et responsables. En effet, la vie des navires hors d’usage pourrait être prolongée et ces bateaux revendus avant ferraillage à des sociétés offshore s’affranchissant du droit français et de la convention de Bâle. Le scandale serait ainsi absolu dans le pire des mondes globalisés.