Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Localisme et globalisation

vendredi 23 mars 2001

« Percée des thèmes touchant à la vie quotidienne », nous dit l’éditorial du Monde en commentant, le 13 mars, le premier tour des élections municipales. En même temps, la chanson du « localisme » et des « hommes de terrain » monte de tous côtés. Pour Claude Imbert, dans Le Point du 9 mars, « la responsabilité démocratique renaîtra dans un nouveau "localisme" ». Edouard Goldsmith, l’écologiste favori de l’élite britannique, promeut « le rétablissement des communautés locales viables » alors que dans Eléments, la nouvelle droite voit dans le « localisme » une « réponse à la mondialisation ». Les Verts et une certaine ultra-gauche se joignent de fait au choeur en rêvant d’une « démocratie directe », de type « communautaire » et « motivée ».

« Famille, communauté, économie locale » : être le nez sur le guidon de sa proximité deviendrait ainsi un « réenracinement salvateur ».

Contre quoi ? La cible de tous les localistes est l’Etat-nation. Ecoutons Claude Imbert : « La recomposition se fera d’en bas (...) L’électeur se réappropriera, peu à peu, des pouvoirs confisqués par un Etat impérieux et jacobin (...) S’imposent les soucis du citoyen résidant plutôt que les utopies du destin universel. » Edouard Goldsmith : « L’Etat et les grands groupes (...) ont marchandisé les fonctions naturelles (...) conduisant au saccage de l’environnement et au délitement de la société. «  La nouvelle droite : « Retour au lieu, au paysage, à l’écosystème, à l’équilibre. » Les Verts : « Une convivialité du lieu, d’un social associé au naturel. »

Quelle escroquerie ! D’un extrême à l’autre de l’échiquier politique, ils nous vendent ce « local » au moment où, à l’étage supérieur, la globalisation financière détruit systématiquement les pouvoirs de résistance de l’Etat-nation. Opposé au « national » et à « l’universel », ce localisme-là devient ainsi l’auxiliaire, conscient ou pas, de cette destruction-ci.

Du « localisme » sort d’abord le clientélisme - les Mellick à Béthune, Balkany à Levallois et Bompard à Orange -c’est-à-dire, au mieux, un complice corrompu du système existant. Puis apparaît le pire : un romantisme suicidaire promouvant son ethnie ou sa communauté contre tout, l’ETA ou l’UCK.

Seul le lien entre le local et l’universel, passant par l’Etat-nation, donne au contraire une chance à la cause de l’homme. Seules des actions menées dans le local, mais relevant le défi de l’effondrement du système financier et monétaire international, coordonnées avec d’autres actions, sont porteuses d’avenir. Les « jeunes », qui « ne se mobilisent que pour des actions concrètes », comme disent les sociologues, doivent se réveiller, sans quoi leur communauté, leur pays et le monde où ils vivent ne sera pas ce qu’ils attendaient et ils ne pourront s’en prendre, face à leur absence de leviers citoyens, qu’à eux-mêmes ou à leur téléviseur.