Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Mutation

jeudi 6 avril 2006

Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade2007.org, et consitutent le principal regard du candidat à la présidentielle de 2007 sur l’actualité française et internationale.

Le soulèvement contre le Contrat première embauche (CPE) succède à la révolte des banlieues. Y a-t-il un rapport entre eux ? La réponse est l’absence de futur infligé aux jeunes par une oligarchie financière et politique qui vit sous la protection de ses privilèges.

Les jeunes de banlieue enregistrent leur échec collectif dans le secondaire, les jeunes des classes moyennes dans leurs années d’université, mais l’absence de débouchés est leur dénominateur commun. Une grande partie de cette jeunesse, que les « élites » protégées et installées voulaient frileuse, désabusée, passive et sans idéal, a montré qu’elle vivait dans l’attente d’une vie plus juste et d’un projet plus exaltant. Notre devoir politique est de les lui offrir, face à la carence d’une droite sans coeur et d’une gauche sans vision, toutes deux acquises à la logique néo-libérale et noyées dans les querelles de personnes, faute d’idées.

Les Français ne sont pas les seuls à faire les frais de la contre-révolution mondiale néo-libérale, mais c’est notre différence de porter en nous-mêmes un projet républicain, un sens du domaine et du service public qui s’est tour à tour exprimé dans le colbertisme, le socialisme jaurésien, le christianisme des abbés démocrates de Bretagne et du Sillon et le refus gaulliste d’abord de l’occupation nazie, puis de l’ordre anglo-américain. C’est là qu’il nous faut maintenant puiser.

Pour refuser d’abord la désastreuse réforme de l’hôpital public (Plan hôpital 2007) et de la sécurité sociale, le démantèlement de la recherche fondamentale et une éducation publique laissée à l’abandon par ceux qui l’administrent.

Pour susciter ensuite le projet permettant de renverser le cours des choses et offrant à chacun une chance de retrouver sa dignité et son estime de soi. Cette mutation repose sur un rejet de ce qui a été fait depuis plus de trente ans, en particulier depuis le « tournant de la rigueur » de 1983, qui a porté avec lui injustice sociale, diktat financier et une Europe truquée à la solde des puissances financières.

Notre défi est de rebâtir le progrès scientifique et technique et le progrès social, ensemble contre le pillage des prédateurs financiers qui ont créé les bulles du capital fictif. Nous devons pour cela refuser les sirènes absurdes de la décroissance, qui ne sont que l’écho du Club de Rome et de l’oligarchie financière malthusienne, des Alexander King et des Teddy Goldsmith. La seule décroissance légitime est celle du capital financier !

Articuler notre effort dans un plan et un budget d’équipement physique à moyen et long terme est notre tâche - à l’échelle française, européenne et internationale. C’est en fonction de cette tâche que nous devons trouver des amis, en Amérique latine comme en Russie, en Chine ou aux Etats-Unis, et non dans un repli chauviniste ou dans une soumission à la mondialisation. La France doit redevenir elle-même, c’est-à-dire exemplaire et universelle pour répondre à l’exigence légitime de ses jeunes autrement que par des bégaiements pétainistes. Cela s’appelle l’avantage d’autrui.