Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Jospin : réagir ou sombrer

vendredi 29 juin 2001

Deux dynamiques menacent directement l’existence politique de Lionel Jospin. La première est la combinaison d’un ralentissement de la croissance et d’une accélération de l’inflation en France et en Europe, qui détruit sa liberté de manoeuvre au sein du système existant. La seconde est une opération tous azimuths menée contre lui par les forces conjuguées de la mitterrandie et de la chiraquie, également incapables de gouverner mais talentueuses dans l’exercice de la nuisance.

Le virus de la dépression américaine commence un peu partout à se diffuser. Jospin, qui s’était depuis 1997 attribué les mérites de la « reprise économique », risque aujourd’hui que les Français lui imputent la crise qui vient. Réellement responsable ni de l’une ni de l’autre, il risque de payer les pots cassés par défaut. Certes, si la hausse des prix a atteint 0,7% en mai, le gouvernement parle officiellement d’une « bouffée d’inflation ». Si la croissance s’est ralentie chez nous, avec un tassement des investissemnts puis un repli des dépenses de consommation des ménages en produits manufacturés, l’on évoque un « nouveau trou d’air ». Cependant, ces exorcismes ne changent rien aux faits : la crise va balayer l’Europe et si les électeurs ne sont pas sérieusement informés de ses causes, c’est le gouvernement en place qu’ils sanctionneront.

En même temps, chiraquiens et mitterrandiens - les « tueurs » de service - soumettent le Premier ministre à un feu nourri. Roland Dumas, affilié aux deux sectes, balance. Chirac et ses amis ont fait courir le bruit du « trotskysme » jospinien, relayés ici encore par l’ex-amant de Mme Deviers-Joncour. La « nouvelle gauche », de son côté, se met de la partie. Nicole Notat accuse Jospin de « pratiquer un réformisme honteux ». Jean Peyrelevade, l’illustre sauveur du Crédit lyonnais, « complètement en harmonie avec elle », sermonne à son tour un Premier ministre qui « renforce la gauche tribunitienne » et de « manque d’efficacité dans l’adaptation de la société française à la mondialisation » (sic et resic). Laurent Fabius, croyant sentir le vent tourner, glisse sa peau de banane et Edouard Goldsmith, ennemi avoué de la « société industrielle et de la technique en tant que telle », soutient en paroles et en espèces ses amis gauchistes, cependant que Le Figaro célèbre les mérites personnels d’« Arlette ». Bernard Cassen, président d’Attac, multiplie les critiques vertueuses de la gauche plurielle, tout en accueillant les financements de la Commission européenne et de la Fondation Rockefeller.

Lionel Jospin doit briser cet étau. Comment ? En renonçant pour de bon au « trotskysme » et à son stade ultime mitterrandien, c’est-à-dire en rejetant une logique de rapports de forces et de maîtrise des appareils, et en proposant un grand projet mobilisateur. L’horizon est sa seule porte de sortie. Ici, nous y sommes.