Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Elever le débat

vendredi 27 juillet 2001

Le dénominateur commun des interventions télévisées de Lionel Jospin, le 9 juillet, et de Jacques Chirac, le 14, aura malheureusement été un aveuglement fa-ce aux enjeux politiques déterminants et un engluement dans l’administration du seul quotidien. Ces deux hommes gèrent la France mais ne la guident pas. Comme le souligne Denis Jeambar dans L’Express du 19 juillet, « faute d’affronter la durée en dessinant l’avenir, ils se perdent dans le présent et vivent à son seul tempo. Celui de l’instantanéité, de l’émotion et donc du fait divers ».

Le 9 juillet, Lionel Jospin s’est sur-tout évertué à dévaluer son rival, sans donner une âme, un dessein ou un projet à son discours. Sa seule analyse de la situation économique internationale tient en une phrase désastreuse : « J’espère qu’il y aura des signes positifs de reprise pour l’économie américaine avant la fin de l’année et qu’au fond, cette période aura peut-être été un trou d’air plus gros que les autres. » On croit rê-ver : alors que le système monétaire et financier international s’effondre devant ses yeux, le Premier ministre de la gauche plurielle place ses espérances dans l’Amérique du président Bush.

Le 14 juillet, Jacques Chirac a passé la moitié de son temps à parler des « affaires » - les siennes - et l’autre à attaquer le gouvernement avec des statistiques douteuses sur la dette, le pouvoir d’achat, le chômage et la délinquance. Il a assuré que « c’est l’autorité de l’Etat qui fait défaut » alors qu’il s’est rendu lui-même pour le moins coupable d’une confusion permanente entre vie privée et vie publique, ressources étatiques ou municipales et besoins de son propre parti. Une fois de plus, les journalistes de service se sont, face à ses de-mi ou contre-vérités, contentés de faire de la figuration.

Le vrai scandale, cependant, par delà ces mœurs courtisanes, est l’absence absolue d’horizon chez notre Président et notre Premier ministre. Rien, ou rien de consistant, sur la crise mondiale, rien sur le sommet du G8 de Gênes, rien sur la mondialisation libérale, rien sur notre stratégie de défense et de sécurité nationales, rien sur le projet européen. L’on songeait à deux poissons rouges tournant en rond dans l’océan du monde comme s’il s’agissait d’un bocal.

Il ne faut donc rien attendre de la France d’ici les élections de 2002 : ses dirigeants actuels ont fait la démonstration qu’ils ne sont pas des hommes d’altitude, de combat et de vision. Ceux qui, de l’intérieur du système, prétendent leur suc-céder ne sont pas différents, peut-être même inférieurs. D’où l’importance de notre campagne présidentielle. Il est en effet des moments de l’histoire où une poignée d’hommes engageant leur action à la dimension du monde et prenant en compte les préoccupations quotidiennes, peut redonner à la politique sa fonction : définir les enjeux et montrer le cap.