Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Verrouillage

vendredi 8 février 2002

« Faîtes vos jeux, rien ne va plus ! » : c’est cette phrase qui vient à l’esprit en suivant le déroulement de notre campagne présidentielle. En effet, aucun grand débat n’est ouvert sur les questions qui concernent les intérêts fondamentaux de notre pays, tandis que les deux principaux « candidats à la candidature », Jacques Chirac et Lionel Jospin, ont engagé une course de lenteur dans le vide. Rien de sérieux sur l’éducation nationale, rien sur l’intégration, rien sur la politique sociale et le chômage, rien sur la culture et surtout, rien sur l’articulation entre politique étrangère et politique intérieure.

Alors que toute la gauche - de François Hollande à Olivier Besancenot en passant par Jean-Pierre Chevènement - est allée parader à Porto Allegre, William Crist, l’américain qui dirige le plus grand fonds de pension mondial, est reçu à l’Elysée comme à Matignon. Chevènement, défenseur de la République et de la justice, s’en va en Tunisie prononcer l’éloge du dictateur Ben Ali. Chirac, à Auxerre, déclare sans gêne : « Nous vivons dans un monde qui, spontanément et naturellement, a une dynamique qui tend à faire que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent », en évoquant comme solution une « humanisation », comme la proverbiale dame de charité qui va porter de la brioche à ses pauvres.

George Bush prononce un discours sur l’état de l’Union dans lequel il s’auto-proclame policier, juge et bourreau de l’univers.

Sharon, de son côté, regrette de ne pas avoir « éliminé » Arafat en 1982, tandis que la Cour suprême d’Israël avalise les meurtres ciblés et que divers officiers israéliens exerçant leurs fonctions dans les territoires occupés confient s’inspirer (cités dans Ha’aretz du 27 janvier) de la manière dont les nazis ont liquidé le ghetto de Varsovie. Les commandos de choc de l’armée israélienne détruisent pendant ce temps les locaux de la radio palestinienne et la piste de l’aéroport de Gaza, dont la construction avait été financée par la France et l’Union européenne.

Que font nos « candidats » ? Que font nos dirigeants ? Ils émettent des protestations, mais sans suite concrète. Ils parlent, mais qui pourrait prendre leurs actes au sérieux ? Pour couronner le tout, le Conseil constitutionnel entend boucler le territoire présidentiel en réservant les remboursements de l’Etat aux contributions de la fortune personnelle des candidats et aux prêts qu’ils ont pu obtenir auprès des banques. Tant pis pour les modestes et les ennemis des banques. Dans le meilleur des mondes néo-libéraux, ce sont sans doute des anormaux.

Voilà où nous en sommes. Personne ne pourra m’empêcher de m’indigner, personne ne pourra m’empêcher de me battre en montrant qu’il est possible de créer les conditions d’un monde plus juste - à condition de rompre avec la « règle du jeu » officielle.