Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Ridicule

vendredi 22 février 2002

Le seul article convenable qu’il m’ait été donné de lire à l’occasion de cette élection présidentielle - bien que je n’en partage pas toutes les analyses - est celui que Michel Rocard a publié dans Le Monde. Là au moins s’exprime un homme politique responsable constatant que, pour la première fois dans l’histoire, une telle élection se déroule dans un monde où les questions essentielles concernant la France sont définies au-delà de ses frontières.

Tous les autres, au contraire, avec la complicité des grands médias, tournent autour du marigot. Il n’est pas étonnant dès lors que 62 % des Français se déclarent peu ou pas du tout intéressés par les élections présidentielle et législatives.

Les « affaires » vulgaires et subalternes ont envahi l’horizon, sans projet nouveau. Chirac agit comme un fonceur qui n’a jamais craint de changer d’avis, Jospin a plus ou moins tenu ses maigres promesses et en fait un étique bilan, Chevènement n’apporte que sa nostalgie d’un gaullisme mal ficelé. Le Pen s’est refait une modération de circonstance pour son ultime tour de piste, Besancenot, dans VSD, fréquente Massimo Gargia, organisateur des fêtes de la jet-set, et Arlette Laguiller reçoit l’aumône de Geneviève de Fontenay, présidente des comités Miss France, tandis que Charles Pasqua hurle au rétablissement de la peine de mort.

Le pire est que, face à cette cacophonie infantile, dans laquelle personne ne va à la racine des vrais problèmes ni ne présente de projet mobilisateur, les journalistes parisiens s’étonnent de ne pas voir de têtes et d’idées nouvelles sur la scène. Comme s’ils ne savaient pas que le financement de la vie politique en France est construit précisément pour empêcher ces têtes de paraître ! Eux-mêmes ne veulent d’ailleurs pas s’intéresser aux nouvelles, en particulier à celles qui, comme la mienne, remettent en cause tout le sérail. Il est vrai que les candidats « notables » n’ont, de leur côté, aucune envie de débattre entre eux ni avec les citoyens et préfèrent les émissions courtes face à un journaliste complaisant.

Alors ? Nous sommes dans une version 2002 de « Ridicule ». L’attente politique des Français est cependant forte. A travers le ridicule, dans la crise financière qui s’annonce, apparaissent les premiers bouillonnements d’une situation révolutionnaire. En amenant dans le débat les questions fondamentales qui se posent dans le monde, mon rôle est de définir ce que peut et doit faire la France - un horizon.