Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Aveuglement

jeudi 17 mai 2001

Le comportement sans grandeur ni horizon de notre classe politique fait craindre que la « France d’en bas » de MM. Chirac et Raffarin ne devienne celle du sous-sol.

Malgré les événements internationaux et le vote des Français, tous nos dirigeants voient petit et jouent petit.

Face au choc des civilisations voulu par les Samuel Huntington et voulu parce qu’il est nécessaire au maintien au pouvoir de l’oligarchie financière qu’ils servent, nos dirigeants - comme hier Jacques Chirac à l’Unesco - font de beaux discours qui, immanquablement, ne sont pas suivis d’actes. Un Paul Wolfowitz, un Richard Perle, un Richard Haass, un Richard Armitage - ceux qui, pour le pire, font la politique du monde à Washington - ne peuvent que mépriser une telle pusillanimité.

Pire encore, nos dirigeants qui savent la gravité de la crise financière, monétaire et militaire internationale, n’en parlent pas à leur peuple, ne lui proposent pas de projet mobilisateur. Rien sur l’Europe, rien sur un nouvel ordre économique et financier international plus juste, rien sur une politique audacieuse et généreuse de santé publique vis-à-vis de l’Afrique, rien sur la perspective d’une alliance eurasiatique pour le développement mutuel.

On laisse se dérouler une campagne franco-française, sans horizon, sans réponse aux crises qui minent le monde et notre pays.

La première priorité serait une initiative s’opposant au nouvel impérialisme financier, militaire et policier américain, pour bâtir un ordre plus juste, permettant enfin d’appliquer une politique de justice sociale en France, en Europe et dans le monde. La seconde, reconstruire en notre sein un système équitable de relations sociales et réformer nos institutions (relever le parlement, décentraliser à bon escient, faire confiance et reconstruire un espace de délibération publique). La troisième, engager son honneur et sa carrière pour une telle politique.

Jacques Chirac ne le fera pas, il ne remettra pas son mandat en jeu pour cette politique à l’occasion des élections législatives, comme de Gaulle ou Mendès-France l’auraient fait.

La France et les Français, à commencer par leurs dirigeants, manquent de caractère. Notre projet est de leur en donner, car nous devons nous battre pour tracer la voie d’un monde différent, par-delà la brutalité des marchés et des extrémismes, les conditions de la guerre qui se créent et l’accoutumance à la violence qui est infligée à nos enfants dans ce qu’ils voient et dans ce à quoi ils jouent.