Les écrits de Lyndon LaRouche

La France et l’Allemagne à l’heure actuelle
L’Europe occidentale ne tient qu’à un fil

mardi 3 octobre 2006, par Lyndon LaRouche

Déclaration de Lyndon LaRouche, du 19 septembre 2006.

 
La récente crise dans la campagne présidentielle française indique la fragilité de toute l’Europe occidentale et centrale face aux crises stratégiques mondiales, dues, avant tout, au fait que les Etats-Unis ne se sont pas débarrassés du succube qu’est l’administration Bush-Cheney. L’Allemagne tient à un fil, l’économie italienne se berce en attendant l’arrivée d’un croque-mort économique offrant des prix raisonnables, en Europe de l’Est, les anciennes régions du Comecon dépérissent. Le rôle éventuel de l’Allemagne dans la résistance à la catastrophe que nous promet la politique américaine, dépend d’un partenariat avec un gouvernement français, tel qu’à eux deux, ils puissent définitivement dire « non » aux pressions exercées à la fois par le gouvernement Bush et par Londres.

On peut ainsi comprendre la manière dont le président Jacques Chirac a réagi au danger que représenterait l’entrée à l’Elysée d’un successeur proche de Bush, non seulement pour la France, mais pour toute l’Europe occidentale et centrale. Les répercussions de la guerre d’Israël contre le Liban ont suscité des inquiétudes en France, que Jacques Chirac a exprimées, mais ce n’est en fait que le détonateur d’un problème plus vaste et plus profond dont les implications sont existentielles : le comportement du candidat présidentiel Nicolas Sarkozy à Washington, qui présage le pire.

La portée de ces aspects de la crise française est soulignée par les implications de la réélection à Berlin du maire social-démocrate Klaus Wowereit. Sa politique ouvertement anti-industrielle signifie la faillite de la capitale, qui ne pourra équilibrer son budget de manière moralement acceptable tant que l’opposition à la réindustrialisation aura le dessus. Au-delà, tout le pays fait face à une situation économique interne déjà impossible et qui, de plus, va en s’aggravant. Si la France et l’Allemagne sombrent toutes deux, pratiquement aucune économie d’Europe occidentale ou centrale n’échappera à une dépression économique profonde et prolongée, menaçant l’existence même de ces nations.

Ce n’est pas un secret que la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher et la France de François Mitterrand avaient exigé une condition lourde de conséquences stratégiques, en n’acceptant la réunification allemande que si Berlin se désindustrialisait. Le gouvernement de George Bush père accepta cette condition. Les assassinats d’Alfred Herrhausen, le dernier grand banquier dans la tradition de Abs et Ponto, et de Detlev Rohwedder, rendirent cette menace tangible pour les institutions allemandes, et elle le reste aujourd’hui encore. Cependant, si la France et l’Allemagne pouvaient se mettre d’accord sur ce problème dont la cause remonte à ce fâcheux duo (Thatcher-Mitterrand), il serait alors possible de supprimer une condition aussi stupide du point de vue économique.
Depuis un certain temps, plus spécialement depuis le déclin interne aux Etats-Unis, en 2000, la communauté transatlantique et le Japon se trouvent au bord de ce qui risque de devenir le plus grand effondrement monétaro-financier de l’histoire moderne, un effondrement comparable à celui déclenché par la faillite au XIVème siècle d’un des grands « hedge funds » de l’époque, la maison bancaire lombarde des Bardi à Lucca. Six ans après la contestable entrée en fonctions de ce bredouilleur de George W. Bush, Junior, l’administration Bush-Cheney a systématiquement réagi de la pire manière possible à la menace à long terme d’un désastre monétaro-financier mondial. Puisque, en dernière analyse, tout système monétaro-financier n’est que « du papier », le plus grave problème que nous ayons à affronter aujourd’hui n’est pas l’effondrement financier, mais les effets de toute tentative de préserver des valeurs de papier surévaluées aux dépens des valeurs de l’économie physique dont dépendent la vie humaine et son environnement. La négligence du pauvre président Bush face à l’ouragan Katrina illustre bien le problème.

La dette associée aux différentes catégories de « produits financiers dérivés » a atteint des proportions dépassant de très, très loin la vie matérielle des avoirs et équipements physiques existants. Reste à savoir si nous allons détruire l’économie physique des nations dans l’espoir de sauver la valeur nominale d’avoirs financiers, pour la plupart sans aucune valeur, ou si nous allons découpler la masse de ces dettes de jeux sans valeur afin d’instaurer une relation durable à long terme entre les fonds de capitaux financiers légitimes, comme les fonds de pension, et un processus d’investissement et d’emploi réorienté vers la croissance physique, afin d’obtenir un accroissement de la richesse réelle par tête, au niveau mondial.
Pour réaliser une telle réforme, l’Europe a besoin de la coopération américaine, mais si les Etats-Unis refusent cette coopération, ils se condamneront eux-mêmes au désastre.

La fin de l’ère Truman

L’éloge révélateur de l’ancien président américain Harry Truman par le vice-président (comme dans « vicieux » !) Dick Cheney, s’inscrit sur une onde longue de la politique américaine, remontant à l’époque où Truman opéra un brutal revirement sur certains éléments stratégiques décisifs de la politique de son prédécesseur, Franklin Roosevelt. Le président John Kennedy, qui contestait sérieusement l’héritage de Truman à ce moment crucial de l’histoire, fut assassiné et le dossier classé avant même l’ouverture d’une enquête compétente. La guerre du Vietnam, rendue possible par l’assassinat de Kennedy, créa les conditions du démantèlement de l’économie physique américaine, processus lancé par le gouvernement Nixon et poursuivi par les soixante-huitards hostiles à l’industrie.

Derrière les machinations de cercles financiers anglo-hollandais et américains pour éloigner l’administration Truman de la politique de Roosevelt, on ne trouve pas seulement une volonté d’affaiblir les Etats-Unis, mais aussi une sorte de « stupidité honnête » qui persiste à ce jour parmi les principaux cercles financiers et la plupart des professeurs d’économie. Les doctrines d’économie politique, établies pour l’empire nouvellement fondé de la Compagnie britannique des Indes orientales, avaient été formulées par des personnes passionnément ignorantes du BA.ba de toute économie physique, au sens réel du terme. Ainsi, en définissant l’argent comme une valeur en soi, ils firent revivre la tradition vénitienne médiévale. Karl Marx, dont la formation en matière d’économie fut assurée par l’establishment britannique de Haileybury, fit la même erreur, avec ses propres spécificités.

La crise économique mondiale actuelle est due à une politique qui détruit, à dessein, les composants essentiels de la production de richesse réelle, reposant sur le progrès scientifique et technologique. En effet, on estime que l’appauvrissement grandissant des masses populaires, notamment des personnes âgées, est le « prix à payer » pour que quelques-uns puissent s’offrir des plaisirs. En réalité, la seule façon de soutenir la croissance réelle est d’accroître la productivité des travailleurs grâce au progrès scientifique fondamental et d’augmenter la part d’investissements capitalistiques dans l’infrastructure économique de base, par tête et par kilomètre carré de territoire.

Le désespoir des affamés représente la conception véritablement scientifique et physique de l’économie. La science économique est, d’abord et avant tout, une affaire de valeurs physiques. La production de richesse est physique. La productivité est déterminée par des progrès scientifiques et technologiques et par l’augmentation du ratio entre infrastructure économique de base et production.

Aujourd’hui, malheureusement, l’opinion des gens, même dans nos institutions ou nos gouvernements, est plus souvent déterminée par l’idéologie que par la raison. Nous, peuples des Amériques et d’Europe, aurions dû finir par comprendre que les réalisations économiques passées des pays américains reposaient sur l’adoption de la culture européenne moderne remontant à l’influence du Concile de Florence. Mais les bénéfices réalisés dans les pays des Amériques ayant adopté le modèle constitutionnel des Etats-Unis d’avant 1971, tendaient à être plus grands qu’en Europe même. La raison principale de l’avantage relatif des Etats-Unis sur l’Europe, dans la période 1863-1945 et un peu au-delà, c’est que la « vieille Europe » était dominée par l’influence résiduelle des idéologies oligarchiques, incarnées à l’époque par les perversions des Habsbourg et aujourd’hui par le courant libéral anglo-hollandais.

Pour ce qui est du cas de Truman (...), la décadence morale qui s’installa aux Etats-Unis après la mort de Franklin Roosevelt était liée à des traditions culturelles oligarchiques. (...) Bien que l’on puisse trouver quelques exemples de patriotes s’inscrivant dans la tradition dont je me revendique moi-même, comme le président Dwight Eisenhower ou un John Kennedy qui tenta de renouer avec le legs de Roosevelt, les tendances dominantes de la politique économique américaine, depuis la mort de Roosevelt, sont inspirées, axiomatiquement, par la conception oligarchique.

A l’heure actuelle, la crise mondiale qui s’abat sur le monde, et plus encore sur les Etats-Unis, nous donne à choisir : rejeter la tradition oligarchique qui fut ravivée en Europe et aux Etats-Unis après le renversement d’Adenauer et d’Erhard en Allemagne, après les tentatives d’assassinat de Charles de Gaulle et l’assassinat de John Kennedy, ou accepter la ruine relativement imminente de la civilisation dans son ensemble.