Les éditoriaux de Jacques Cheminade

La faute de M. Raffarin

vendredi 9 août 2002

Face à un krach boursier mondial et à une crise politique française exprimée dans les urnes et dans la rue, le gouvernement de M. Raffarin n’a pour ainsi dire rien fait de ses premiers Cent jours. Préoccupé, dit-on, en privé, il a tenu en public des propos comparables à ceux de M. Herbert Hoover en son temps. Au « La prospérité est maintenant au coin de la rue » de 1929 répond en écho le « Nous avons en Europe un lien entre la bulle financière et la croissance qui est plus distant qu’il ne l’est aux Etats-Unis. Je ne crois pas qu’en cette période, les risques pour la croissance soient graves » de notre Premier ministre en 2002.

Cet aveuglement volontaire conduit à l’impuissance et à l’inaction. L’humanisme proclamé ne trouve d’expression que dans une gestion au jour le jour, alignant néo-libéralisme et démagogie sécuritaire.

Aucun horizon n’est défini pour notre politique internationale et européenne. Le projet d’orientation et de programmation sur la justice fait le pari qu’une législation plus répressive endiguera la violence des jeunes, sans qu’une politique de prévention réunissant les principaux acteurs intéressés soit mise en place, sans que les éducateurs reçoivent plus de moyens, sans que les conditions de détention soient améliorées, sans que le fonctionnement des nouveaux centres d’éducation fermés soit défini, sans que les conditions de réinsertion sociale après la détention soient organisées. Le Smic n’est pas revalorisé, l’abaissement de 5% de l’impôt sur le revenu avantage les plus riches.

Face à l’Europe, le gouvernement continue à accepter l’orientation aberrante vers la concurrence, le libre échange et les privatisations, tout en voulant s’opposer aux conséquences en matière de pêche, d’agriculture et d’équilibre budgétaire. EDF et La Poste, mises en situation de concurrence suivant les règles européennes, se voient refuser toute augmentation de leurs tarifs pour des raisons sociales. La contradiction est absolue, et le seul principe semble être de vouloir vivre le plus longtemps avec.

L’hypocrisie a atteint son sommet avec l’augmentation de la rémunération des ministres : après avoir dit oui, puis non, Jean-Pierre Raffarin s’en est remis à la « sagesse du Parlement », préférant une manigance à une expression de courage politique.

Bref, au cours de ses premiers Cent jours, le gouvernement a manifesté une absence tragique de dessein collectif et de vision nationale. La France est comme un acteur qui aurait perdu son rôle. Nous nous battons, ici, pour lui en inspirer un qui soit à la mesure des circonstances dramatiques à venir.