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Sarkozy courtise Bibi Netanyahou, le néoconservateur isralélien

mercredi 23 février 2005

Le voyage de Nicolas Sarkozy en Israël a été particulièrement révélateur de ce sur quoi il s’appuie. Après avoir caressé dans le sens du poil les islamistes de l’UOIF, il s’est affiché là-bas en compagnie de Benyamin Netanyahou, extrémiste le plus patenté du pays et émanation politique des néo-conservateurs américains.

Si un fait a pu caractériser ce voyage, c’est l’intervention d’un guide de Yad Vashem, le mémorial sacré construit près de Jérusalem en mémoire des victimes de l’holocauste, qui a interrompu sèchement le visiteur pour lui dire qu’en un tel lieu, on doit faire silence et ne pas parler de politique.

Nicolas Sarkozy n’a bel et bien qu’un seul objectif : 2007 et sa candidature à l’élection présidentielle. Le sujet ne sort pas de son esprit, en se rasant ou ailleurs, et il ne s’en cache pas. Pour cela, inspiré par la méthode de l’ultra-droite américaine, il gonfle les problèmes, instrumentalise les peurs et s’efforce de montrer par une mise en scène permanente qu’il est indispensable.

Il a ainsi déclaré, lors de son intervention à Herzliya devant les principaux acteurs de la vie politique et économique israélienne, en se démarquant des autres dirigeants politiques français, et tout particulièrement de Jacques Chirac : « Je sais que vous avez le sentiment qu’en France, on est insensible à votre souffrance et qu’à tout le moins, vous n’auriez pas ressenti notre compassion. » Le gouvernement Sharon, de son côté, l’a accueilli en véritable homme d’Etat, lui accordant un traitement bien supérieur à celui réservé à notre ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, lors de son passage à Jérusalem.

Les paroles prononcées pas Nicolas Sarkozy ne sont pas, en elles-mêmes, contestables - il est bien trop habile pour cela - mais le lieu, la compagnie et l’intention sont triplement révélateurs de ce qu’il est.

Tout d’abord, la conférence d’Herzliya n’est pas une réunion neutre et consensuelle en Israël. Financée par le financier néo-conservateur Ron Lauder, c’est un lieu où s’affichent les ultras-libéraux. Selon le journal israélien progressiste Haaretz du 14 décembre 2004, l’un des mentors de Nicolas en Israël n’est autre que « Bibi », le ministre des Finances Benyamin Netanyahou, qui est lui aussi intervenu lors de la réunion pour défendre sa politique économique brutalement anti-sociale.

Selon Haaretz, Nicolas et Bibi ont beaucoup de points communs. Comme Netanyahou, Sarkozy est un admirateur de l’administration Bush et de ses politiques libéralement musclées. « Il n’est pas surprenant, par conséquent, que Sarkozy et Netanyahou aient été attirés l’un par l’autre. Sarkozy, en tant que ministre de l’Intérieur, a combattu les rebelles corses avec une poigne de fer, en prenant alors l’avis de Netanyahou, l’expert israélien en terrorisme. Netanyahou, de son côté, a été fortement impressionné par la manière dont Sarkozy a traité sans prendre de gants les immigrés et les jeunes femmes musulmanes dans son pays. » Les deux hommes, poursuit Haaretz, constituent une menace pour la démocratie : « Comme Sarkozy, Netanyahou n’est pas réellement engagé en faveur d’une politique de reprise économique ; il attend la prochaine occasion de s’emparer du pouvoir (...) La peur engendrée par le manque de sécurité dans l’emploi et la vie sociale, en même temps que la peur du terrorisme et son instrumentalisation comme étant ce qui bloque la normalisation et la paix, sont les moyens mobilisés par Netanyahou dans sa marche vers le pouvoir (...) Une très mauvaise nouvelle pour les amis de la démocratie (en France comme en Israël). »

Sarkozy, en réalité, se soucie beaucoup moins de la communauté juive, que ce soit en France ou en Israël, que de son propre avenir. « Nicolas Sarkozy met les Français dans des boîtes, dit, selon Libération du 14 décembre, l’un de ses amis. Pour chaque catégorie sociale ou chaque religion, il a un message généraliste et un message bien particulier. Et celui qu’il adresse aux juifs est très performant. » « A l’heure du nationalisme diasporique, son passage devant les associations juives américaines a eu un impact très fort en France », explique l’historienne Esther Benbassa. Son face-à-face habilement organisé avec Tariq Ramadan a renforcé son statut de « star chez les juifs », comme dit Patrick Gaubert, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme et député européen UMP. Sarkozy, ministre de l’Intérieur, a personnellement appelé, il est vrai, chaque victime d’attentats antisémites et reçu au ministère de nombreux présidents d’associations juives de province. A Solidarité et Progrès, nous aurions, bien entendu, agi de même. Mais c’est la manière dont il exploite et gère ses actes qui est contestable et entretient un climat communautariste. « Sarkozy veut que les gens votent pour lui en fonction de leur identité juive et non par rapport à leur citoyenneté française », explique justement Laurent Azoulay, fondateur du cercle Léon Blum.

C’est avec la même approche qu’il a courtisé l’UOIF. Le but est d’instrumentaliser la religion et de proposer la réforme de la loi du 9 décembre 1905 à des fins politiciennes. L’on voit mal, dans ce contexte, pourquoi il serait rassurant, pour des citoyens israéliens ou des membres de la communauté juive française, qu’il ait dit : « Je veux que vous compreniez que je vous ai compris. » On connaît les précédents...

Les photos prises par Cécilia Sarkozy avec son téléphone portable tout au long du voyage en Israël témoignent de ce souci quasi obsessif pour l’image. Eric Raoult, avec cette vulgarité qui caractérise aujourd’hui notre classe politique, a répondu à un curieux qui lui demandait à Jérusalem : « Est-ce le président français ? - Pas encore ». Tout est dit sur l’ambition du voyage !