Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Une vision forte

mercredi 20 novembre 2002

La France officielle et beaucoup de Français se félicitent de l’adoption par le Conseil de sécurité de l’Onu de la résolution 1441 sur l’Irak. Notre pays a joué un rôle positif dans cette affaire, empêchant que les Etats-Unis ne lancent une guerre préventive de manière unilatérale. En même temps, Jacques Chirac a su dire son fait à un Tony Blair se prenant pour l’intermédiaire indispensable entre l’administration Bush et l’Europe.

Nous pouvons donc être satisfaits, mais sans cocoricos illusoires. La résolution de l’ONU elle-même se prête à des provocations contre la souveraineté nationale de l’Irak, et la conjonction entre la fuite en avant militaire des faucons américains et la mégalomanie de Saddam Hussein rend la situation extrêmement instable. Rien n’empêche par ailleurs le président américain de passer à l’action sans l’accord de l’ONU, si son entourage extrémiste l’emporte.

Bien plus fondamentalement, rien n’assurera que nous ayons échappé au risque de guerre tant que nous n’aurons pas clairement défini une vision internationale forte, combattu pour un projet de paix par le développement économique mutuel entre peuples et pays et entamé un dialogue des civilisations dans lequel chacun apporte le meilleur de soi-même.

C’est ce triple défi qu’il nous appartient de relever, exploitant sans tarder la dynamique de ces dernières semaines.

Tout d’abord, à Berlin, le chancelier Schröder a pris ses distances avec l’administration Bush. C’est l’occasion de redonner un coup de jeunesse à notre vieux couple franco-allemand. Ensuite, notre action à l’ONU a pu réussir grâce au soutien de la Russie et de la Chine. C’est l’occasion d’aller plus loin, jetant avec elles les bases d’un pont terrestre eurasiatique qui unisse l’Eurasie de l’Atlantique à la mer de Chine dans un grand dessein de développement mutuel et de désenclavement. Enfin, les va-t-en guerre du parti démocrate, comme Joe Libermann, ont été battus aux élections américaines du 5 novembre, ce qui donne une autorité sans précédent à Lyndon LaRouche, démocrate rooseveltien pro-paix, auprès de la population américaine. C’est l’occasion d’établir un pont entre ce qu’il représente et la France, pour peser sur ce qui se passe à Washington.

Il y a urgence. S’arrêter au milieu du Rubicon serait pire qu’un crime, une faute. Le chemin vers la guerre a été entravé. Il nous reste à faire l’essentiel : élaborer et défendre une stratégie pour la paix, extirpant les racines mêmes de la guerre.