Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Un nouveau Watergate

mercredi 11 juin 2003

Les dirigeants politiques français ne veulent pas comprendre que notre souveraineté nationale ne pourra plus être réellement défendue tant que les Cheney, les Rumsfeld et les Wolfowitz resteront au pouvoir à Washington. Ils s’efforcent de réduire la guerre contre l’Irak à une vulgaire affaire de pétrole, pour ne pas voir l’aspect essentiel et bien plus grave qui est la fuite en avant des néo-conservateurs américains dans une logique d’agression militaire permanente. Sous-estimant la nature de l’ennemi, nos dirigeants sous-estiment également, en bonne logique cartésienne, la gravité de la crise et jugent « excessif » le diagnostic de M. LaRouche et de moi-même sur l’état de l’économie mondiale. Ces illusions sont aujourd’hui suicidaires.

M. Chirac, après avoir mouliné du vent à Evian, gère la politique intérieure comme s’il s’agissait d’une crise sociale normale. Une semaine, il entend « résister comme en mai 68 » et la semaine suivante, il bat en retraite, sommant Luc Ferry de retirer sa loi sur l’autonomie des universités et faisant reporter à l’automne l’ensemble du projet de loi de décentralisation. La réforme malthusienne des retraites reste, elle, sur la table, comme si un simple calcul comptable justifiait le choix d’une politique désastreuse. Ce n’est pas avec cela que l’on peut arracher un peuple à son hypnose télévisuelle et le mobiliser pour affronter l’injustice, quelles que soient les belles paroles que l’on prodigue par ailleurs.

En fait, ce que masque tant d’agitation est la soumission cynique à un rapport de forces. Sur le plan intérieur, on soupèse, avant de décider, la capacité de résistance des syndicats, l’état de l’opinion et l’impopularité des professeurs « qui empêchent de passer les examens ». Sur le plan international, on se soumet en prétendant que les choses s’améliorent. Dans les deux cas, on ne se fixe pas un horizon où aller.

Là est la faille de notre pays. Du gouvernement comme de l’opposition, avec un Parti socialiste aux abonnés absents, un PC en proie à une agitation vaine et des trotskistes poursuivant leur oeuvre provocatrice si utile aux pouvoirs établis.

Rien n’est donc fait pour saisir l’occasion du grand scandale d’Etat qui éclate aujourd’hui aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne : Bush et Blair ont justifié la guerre contre l’Irak en érigeant un mur de désinformation, tandis que le vice-président Cheney organisait le pillage et que le secrétaire à la Défense Rumsfeld préparait une réorganisation liberticide et anti-constitutionnelle de son propre ministère. Aujourd’hui, les faits sont établis, un nouveau Watergate se dessine, ceux qui ont joué avec le feu devront en payer les conséquences.

Au lieu de programmer une confrontation intérieure stérile, la France devrait engager le combat contre les Cheney, les Rumsfeld et les Wolfowitz à l’échelle internationale.

Ce nouveau Watergate américain est une occasion à saisir. Vite, car l’histoire ne repasse jamais deux fois ses plats.