Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Urgence d’un projet

mercredi 30 juillet 2003

Face aux faucons américains, le resserrement des liens franco-russes, voulu par Jacques Chirac, est une initiative stratégique importante. Face à la dérive européenne, la contestation par la France des normes comptables actuellement en cours d’adoption, qui « risquent de conduire à une financiarisation accrue de notre économie et à des méthodes de direction des entreprises privilégiant trop le court terme » (lettre de Jacques Chirac à Romano Prodi), est une démarche rare mais nécessaire, car il s’agit de beaucoup plus que d’une question technique. Face à l’idiotie de ce qu’on appelle le « pacte de stabilité européen », les « modalités provisoires d’assouplissement "permettant" de ne pas diminuer la croissance », demandées par le Président de la République dans son intervention du 14 juillet, vont dans le bon sens. Il s’agit, quoi qu’en pensent les autres dirigeants européens, d’arrêter la machine à euthanasier la croissance et l’emploi que Bruxelles a laissé se mettre en place.

Cependant, ces efforts restent beaucoup trop dispersés. Le rapporteur général du budget au Sénat, Philippe Marini, a déclaré de son côté : « Nous sommes maintenant hors du pacte de stabilité (...) Jacques Chirac a choisi la voie d’une politique volontariste sur ce thème. »

Nous disons « chiche ! » ;, mais ce n’est pas encore le cas. Et il faut faire vite, très vite. Pour deux raisons principales.

La première est que Cheney et les faucons américains, actuellement menacés de destitution, vont agir comme des tigres blessés avant de - politiquement - mourir, ce qui est un moment de grand danger face auquel il faut agir sans attendre l’attaque.

La seconde est que des pulsions gauchistes autodestructrices progressent rapidement chez nous, sur un fond d’injustice sociale. Certains éléments au sein du gouvernement Raffarin s’en réjouiraient, en espérant que ces pulsions s’expriment au détriment du Parti socialiste lors des élections présidentielles du printemps 2004. C’est d’une parfaite stupidité, tant vis-à-vis d’eux-mêmes que de la France. En effet, si, comme le dit Jean-François Kahn, « l’anarcho-gauchisme promu par les grands médias bourgeois offre à la caste dominante sa plus efficace protection », cela ne vaut que pour les périodes de prospérité « normales ». Dans une période comme la nôtre, de crise profonde, guettée par les tendances anti-républicaines, impériales et synarchistes, ces mouvements deviennent source de destruction pour tout le tissu social.

La seule bonne carte à jouer est celle d’un grand dessein, national et international, qui donne d’urgence une perspective à la lutte contre les oligarchies financières et militaires. Pour cela, il faut jeter les bases d’une autre politique, levant les blocages économiques et humains. Cela concerne le gouvernement actuel et plus encore l’opposition socialiste, actuellement inexistante. Car il est impossible de concevoir et de défendre un grand dessein dans une société de plus en plus difficile à vivre.