Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Chômage et moins d’Etat

lundi 14 juillet 2003

Une autre politique que celle de l’administration Bush et de ses faucons impérialistes est nécessaire. La France et l’Europe le savent. Cependant, elles ne s’en donnent pas les moyens.

Deux vices les inhibent.

Le premier est l’erreur absolue de prévision économique faite par Jacques Chirac début 2002. Il tablait alors sur une expansion de 3 % en moyenne par an pendant son quinquennat. Il faut ajouter que cet optimisme aveugle était partagé à l’époque par l’autre candidat, Lionel Jospin. Aujourd’hui, le gouvernement Raffarin est désemparé par la réalité de la crise. En politique intérieure, MM. Chirac et Raffarin n’ont pas de doctrine et gouvernent au gré des pressions ou des sondages. Ils attendent une reprise venue de l’extérieur qui réduise le chômage par quelque miracle du Saint Esprit libéral. L’opposition ne vaut guère mieux, pour des raisons de fond semblables.

Le second vice est l’orientation erronée qui réduit la construction européenne à une mauvaise farce. Celle-ci est fondée, depuis près de trente ans, sur la stabilité des prix, l’équilibre budgétaire, la concurrence et le renoncement à toute politique volontariste de croissance. Un hara-kiri absurde tient ainsi lieu de projet.

Si l’on reste prisonnier de ce double piège, il n’y aura rien à faire, sauf à s’adapter à l’inadmissible. Le « moins d’Etat » de M. Chirac, tel qu’il l’a exposé le 14 juillet, y mène tout droit.

L’idéal gaulliste d’un Etat fort est loin. L’idéal européen d’une Europe exemplaire s’évanouit. Il ne reste qu’un gouvernement qui préfère renoncer à des décisions politiques pour se soumettre à des « contraintes techniques » ou à la vox populi. En attendant, la part des actionnaires étrangers - majoritairement anglais et américains - s’accroît dans les entreprises du CAC 40, jusqu’à atteindre 43,7 %. Les maîtres-chanteurs sont entrés dans la bergerie.

Alors, dans ces conditions, le rapprochement franco-russe, l’espoir d’une politique eurasiatique et notre opposition aux va-t-en guerre américains et britanniques risquent de devenir des postures sans lendemain.

Aller au-delà signifie le retour d’un Etat courageux, capable de vaincre le chômage et de mobiliser les énergies. Car la désaffection du politique, c’est d’abord l’incapacité des dirigeants à réduire le chômage.

Le plan préparé par le ministre de l’Economie et des Finances italien, Tremonti, et les grands réseaux de transport européen de Karel Van Miert ont rouvert la porte d’une Europe réellement fondée sur une politique volontariste de croissance et d’emploi. Ils vont dans la direction du nouveau Bretton Woods et du Pont terrestre eurasiatique que nous défendons. M. Chirac et les responsables français de tout bord doivent tirer un trait sur leurs prévisions erronées et, sans tarder, changer du tout au tout de politique. Sans biaiser ni contourner, car gouverner, c’est indiquer clairement le chemin que l’on prend.