Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Redonner à l’Europe une ambition collective

samedi 13 septembre 2003

L’Europe se trouve dans une impasse. Le destin de la France se trouve lié à celui de l’Europe. La seule solution à ce dilemme est d’ouvrir une nouvelle perspective européenne, volontariste, opposée à l’ordre impérial des faucons américains et rassemblant les énergies au-delà d’elle-même, jusqu’aux dimensions de l’Eurasie et de l’Eurafrique.

Malgré beaucoup de débats et de discours, personne ne s’est engagé chez nous dans cette voie.

M. Raffarin a bien su exprimer son exaspération sur TF1 : « Mon premier devoir, ce n’est pas d’aller rendre des équations comptables et de faire des problèmes mathématiques pour que tel ou tel bureau dans tel ou tel pays soient satisfaits. » Les cris d’orfraie qui ont accueilli sa déclaration plaident en sa faveur.

Cependant, la simple critique n’a jamais fait une politique, pas plus qu’un souverainisme de repli. S’en prendre à l’Europe libérale de Bruxelles est justifié, mais à condition de combattre le libéralisme chez soi - on ne peut rassembler les Français alors que se multiplient les plans sociaux et la désindustrialisation - et de proposer une autre Europe, inspirée de ce que notre histoire porte de meilleur.

En ce sens, l’annonce par M. Raffarin d’un « projet de mobilisation européenne pour l’emploi » est un pas en avant, dans la direction des déclarations françaises et allemandes en faveur d’une initiative commune pour la croissance, qui ajoutent la recherche et l’industrie aux priorités infrastructurelles définies par le ministre italien des Finances, Giulio Tremonti. Le plan Van Miert de réseaux de transports européens et, dans le domaine militaire, la mise en place d’un QG européen autonome proposé par la Belgique, la France, l’Allemagne et le Luxembourg, sont autant de pierres nécessaires à l’édifice.

Il reste à lui donner une cohérence politique et sa nécessaire assise financière. La Banque européenne d’investissement, utile pour le décollage, n’y suffit pas.

Le vrai défi est de commencer, face au probable rejet de l’usine à gaz de M. Valéry Giscard d’Estaing, par quelque chose qui corresponde aux réalités physiques et non par une martingale institutionnelle. Faisons un projet cohérent, pour lequel il faut définir les ressources à mobiliser et les responsabilités à répartir, par des délégations de souveraineté selon le besoin d’intégration des projets.

Voici la voie de l’Europe, qui devrait rassembler chez nous majorité et opposition. Dans un excellent article, M. Nicolas Dupont-Aignan en pose, dans Le Figaro du 29 août, le principe fondateur : « Non au sacro-saint libéralisme ! ». Nous ajouterons : « Non à tout impérialisme ! » Car « réhabiliter une réflexion sur le long terme », comme viennent d’en discuter à Matignon d’anciens spécialistes de la planification, dont MM. Rocard et Delors, est une excellente chose, mais à condition de se donner un horizon, une cohérence et une stratégie de combat.