Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Europe et Israël

vendredi 14 novembre 2003

Un sondage Eurobaromètre, commandé par la Direction générale de la presse et de la communication de la Commission européenne, désigne Israël comme le pays qui menace le plus la paix du monde. Près de six Européens sur dix (59%) placent Israël en tête, devant l’Iran, la Corée du Nord et... les Etats-Unis, tous trois à 53%.

Immédiatement, Israël a déploré d’être traité comme un Etat « paria », qui ne fait que « se défendre contre le terrorisme ». Le ministre israélien chargé de la diaspora, Natan Sharansky, ne voit là « rien d’autre que de l’antisémitisme pur ».

Tous les dirigeants européens ont pris leurs distances avec ce sondage, contestant, qui les choix des pays comparés à Israël, qui sa méthodologie ou encore qu’il ait pu être conçu.

Il est cependant là, avec ses résultats, et reflète une situation extrêmement inquiétante.

Le gouvernement Sharon, au lieu d’accuser les Européens, devrait réfléchir davantage aux conséquences désastreuses de ses actes pour son propre peuple. L’image qu’il donne de son pays est terrible : un pays qui, en violation flagrante de ses propres engagements (la « feuille de route »), multiplie les implantations en Cisjordanie et à Gaza de manière à perpétuer une occupation rendant la paix impossible, pratique des exécutions extra-judiciaires et se livre à des représailles que son propre état-major juge absurdement contre-productives. Il est particulièrement révélateur que les pays européens les plus critiques d’Israël soient les Pays-Bas (74%) et l’Autriche (69%), dont les gouvernements sont plutôt pro-israéliens, alors que la France, pourtant blâmée en Israël et surtout aux Etats-Unis pour son antisémitisme, arrive en deuxième position (55%).

Quant aux dirigeants européens, ils devraient soutenir mieux et plus courageusement l’initiative de paix de Genève, sauf à accepter des dérives à l’intérieur de leurs propres frontières. Leur devoir est de définir un horizon à la fois national et international qui fasse prévaloir la paix par le développement mutuel sur les rapports de force.

L’exacerbation de faux débats politiciens, propagés par les médias, ne doit pas conduire à la paralysie. Au contraire, ils doivent nous pousser à relever le défi d’un véritable dialogue des religions, des civilisations et des cultures, à la recherche du meilleur de notre part commune et en manifestant cet effort par des actes justes pour tous. Mon ami Larbi Kechat, à la mosquée Adda’wa, s’efforce de tisser chez nous les fils de ce dialogue, avec bien d’autres. A l’échelle du monde, nous y sommes entièrement voués. Sur la scène officielle du Tout-Paris, la place paraît au contraire un peu vide...