Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Féodalisme

dimanche 2 mars 2003

Faute d’adopter une politique commune audacieuse et claire, Gerhard Schröder et Jacques Chirac viennent de constituer avec Tony Blair un « ménage à trois », alors que Jean-Pierre Raffarin multiplie les marques d’amitié envers José-Maria Aznar. Ce dernier s’unit à l’italien Silvio Berlusconi et à quatre autres dirigeants européens pour faire une surenchère de libéralisme auprès de la présidence irlandaise de l’Union, en exigeant plus de flexibilité et une baisse des impôts. Une démarche anti-sociale tient lieu pour tous de projet européen, avec pour dénominateur commun les privatisations et la destruction des garanties inscrites dans les codes du travail, baptisée « simplification ».

Cette évolution désastreuse se trouve accompagnée, sur le plan intérieur français, par l’entrée dans une société postindustrielle : notre industrie a perdu plus de 100 000 emplois en 2003 et la France a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a créés. En même temps, l’on voit apparaître un nouveau discours suivant lequel il ne faudrait pas trop investir dans l’enseignement long, les entreprises allant chercher les jeunes à la sortie du bac, ou avant. Cela est, semble-t-il, la justification d’une politique de réduction du budget de la recherche fondamentale et du remplacement de fait de l’initiative publique par le privé.

En même temps, pour respecter les accords de Maastricht (déficits publics limités à 3% du PIB), l’Etat se prépare à prendre 16 milliards d’euros à EDF. La vente du patrimoine immobilier des entreprises publiques est également au programme. L’ouverture du capital de la Snecma à General Electric risque d’en faire, par ailleurs, le premier sous-traitant américain en Europe.

Si l’idée d’un retour à des péages sur 20 000 kilomètres de routes nationales transférées aux départements et dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants a été momentanément abandonnée, il semble néanmoins que cette mesure féodale puisse être à nouveau proposée après les élections.

La réduction de l’aide médicale de l’Etat (AME) en faveur des plus démunis complète le tableau, alors qu’un million d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté (environ 8% du total) !

C’est dans ce contexte que les mesures sécuritaires Sarkozy-Perben apparaissent très inquiétantes : loi Perben II, visant à permettre au FBI de prolonger ses enquêtes en France, négociée avec le néo-fasciste ministre de la Justice américain, John Ashcroft, et la proposition de Nicolas Sarkozy prévoyant des « peines planchers » contre les « délinquants d’habitude » ;. Les modifications du code du travail et du code pénal ne sont pas ainsi sans rapport !

Il est temps que le président de la République se ressaisisse et que l’opposition socialiste se réveille. Sans quoi, bien que notre politique étrangère garde quelques restes d’indépendance, notre vie nationale sera bientôt totalement investie par un ordre d’austérité synarchique combinant privatisations financières et initiatives liberticides.